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D'UN CURÉ D'ESSERTINES-EN-DONZY 229 d'une pièce de vin qui avait été vendue vingt et une livres. L'entreprise allait être menée bon train. A Pâques le terrain du cimetière était déjà débarrassé de tous les osse- ments, épars au milieu des grandes herbes, la tranchée des fondations nouvelles était creusée, lorsqu'un incident inat- tendu divisa la paroisse en deux camps rivaux et délia les langues pour les plus vives polémiques. Dans la discussion du projet et du devis à bâtir, on avait bien annoncé, au moins vaguement, le transfert du cimetière du chevet de l'église au devant, mais sans désigner sa place d'une façon plus précise. L'intention du curé était de prendre pour cet effet l'espace situé à gauche du portail et de démolir, afin de le dégager tout à fait, une ancienne halle qui tombait de vétusté. Il y voyait double avantage : la masure gênait la circulation et offusquait la vue ; les matériaux serviraient à la construction du clocher. Il avait compté sans l'amour-propre de ses villageois et leur commodité, très fiers de leur marché couvert et très satisfaits d'être garantis^contre la pluie, quand ils se blottis- saient, sous cet abri, à la sortie de la messe. Les protestations ne tardèrent pas à s'élever, malgré le respect dont étaient entourés le caractère et la dignité pastorale, on ne se contenta pas de murmurer sous le manteau de la cheminée, on tint des conciliabules, les têtes se montèrent, il y eut du tumulte, on jura de se révolter, je suis même porté à croire qu'il y eut des injures, échange de gros mots et même de sérieuses menaces. Que pouvait le curé ? Reculer devant l'intimidation lui sembla une lâcheté et abandonner ses partisans une ingra- titude qu'il lui répugnait de commettre; il commanda aux ouvriers de poursuivre leur besogne, mais quelques habi- tants accoururent à îa défense de leur antique monument et N» 4 — Avril 1896 2g