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72 UNE NOUVELLE BOUTIQUE Au nombre des esclaves de tous pays et de toutes religions que possédaient les Juifs se trouvait une jeune païenne qui, ayant entendu parler de la religion du Christ et assiste aux cérémonies de son Église, conçut un vif désir de devenir chrétienne. Comme ses maîtres s'y opposaient, elle les quitta et vint se réfugier auprès d'Agobard, le suppliant de l'admettre au baptême. Que devait faire l'archevêque ? Le cas qui se présentait à lui était trop fréquent pour que les lois civile et ecclésiastique ne l'eussent pas prévu et réglementé. Or, depuis Constantin et Théodose jusqu'à Charlemagne, en passant par le pape saint Grégoire-le- Grand, ces lois n'avaient jamais varié, Elles faisaient aux Juifs défense expresse d'avoir des esclaves chrétiens. Que si des esclaves infidèles leur appartenant venaient à se con- vertir au christianisme, ils devaient être immédiatement mis en liberté moyennant un prix de rachat égal à ce qu'ils avaient coûté. Agobard n'était pas homme à enfreindre une règle qui engageait sa conscience. Il refusa, malgré leurs réclamations, de rendre la jeune esclave à ses maîtres, offrant d'ailleurs (car il entendait ne leur causer aucun préjudice) de leur payer l'indemnité fixée par la loi. Puis, dès que l'instruction de la néophyte fut suffisante, et la sincérité desaconversion bien éprouvée, il lui conféra le baptême. La conduite du pontife était irréprochable. Il n'aurait pu agir différemment sans manquer à l'une des charges les plus strictes de son ministère. De grandes clameurs ne s'en élevèrent pas moins aussitôt du clan d'Israël. « De quel droit, disaient tous les trafiquants, avides de gain, de la synagogue, de quel droit cet évêque ose-t-il nous enlever, sous prétexte de religion, des esclaves que nous avons payés de nos deniers, dont nous aurions pu, en les revendant, tirer un beau bénéfice ? »