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             UN DÉBUT DANS LE GRAND MONDE                   257

   Pour assister dignement à une telle fête, une tenue
soignée (style usité) était de rigueur. Mes visées étaient
plus hautes, la jeunesse a des illusions, elles s'évanouissent
hélas trop vite!. Je voulais être remarqué (c'est le mot).
La mode était alors aux gilets de couleur, je me comman-
dais sans hésiter un certain gilet de velours vert, sur lequel
je fondais les plus grandes espérances.
    L'heure du bal arrive, je descends à l'hôtel, frisé, ganté,
mis au dernier goût du jour.
    Les domestiques en culottes courtes, grande livrée, me
me demandent au vestibule mon nom.
    Les rideaux s'entr'ouvent et j'aperçois un premier salon
étincelant de lumières où se tenait attendant ses invités, la
souriante et gracieuse maîtresse de céans.
    Je me précipite, mais pas assez vite pour devancer un
petit homme, d'assez mauvaise tournure, qui entre immé-
diatement avant moi.
    L'huissier annonce d'une voix stridente :
    Son Excellence Monsieur le ministre des Finances.
    Puis il m'annonce ensuite.
    Vous jugez de l'effet. J'avais envie de disparaître. Je dois
 dire à la louange de Madame           que son gracieux sourire
fut le même pour nous deux. Je passai. La foule des invités
 affluait, les noms les plus illustres retentissaient à mes
oreilles. C'était fini. L'effet de mon gilet de velours vert
 était complètement manqué. Je me sauvai éperdu dans un
petit salon écarté où

          D'être homme obscur, on eût la liberté !

  Mais que peuvent ces impressions pénibles sur un cœur
de vingt ans. La soirée était splendide, les femmes char-
mantes, les toilettes chatoyantes, l'orchestre entraînant. Je