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32é                          BIBLIOGRAPHIE

plate, ouverte à tous les vents avec ses chaumes mouillés, ses étangs
immobiles et ses petits bois de bouleaux semés comme des îles au
milieu de ses vastes plaines. »
    Et comme pour donner l'échelle de ces éhoses dont il fait ressentir
l'impression intense, l'auteur a dessiné au milieu de ces paysages deux
silhouettes humaines, l'homme et la femme qui s'aiment, se le prouvent
et s'épousent. Mais il l'a fait avec tant d'art, c'est-à-dire de vérité, que
Jacques comme Marion, cœurs simples, natures rudes, vivent, se meurent
et intéressent autant que s'ils étaient détaillés très au long en quelque
 roman psychologique.
    Jacques est un pécheur de grenouilles « un grenouillas, or, qui dit
 grenouillas dit braconnier, maraudeur, pirate de terre et d'eau », et avec
 lui nous irous à l'affût, à la chasse à la morelle, et nous assisterons
 aux passages d'automne ; avec Marion, la gardeuse d'oies, nous serons
 initiés à la vie rustique des fermes de la Dombes.
    L'auteur qui sait la formule du bien écrire a le choix judicieux des
 choses vraies, il conduit à merveille les amours de ces deux êtres ins-
 tinctifs : inclination physique et brutale chez l'homme, chez la femme
 habitude d'abord, puis ensuite sentiment.
    Sentiment peu complexe, et lorsque la pauvre Marion est abandonnée
 par Jacques, elle n'est que triste, il lui faut même l'énervement causé
 par une rengaine musicale, que répète un orgue de Barbarie, pour lui
 faire verser des larmes ; larmes d'amour cruelles, mais dont le souvenir
 est doux.
    « Placée entre la route et le bois, Marion écoutait la chanson dédou-
 blée par l'écho, ici en temps fort, là-bas en sourdine grelottante et
 lointaine. Et des frissons sillonnaient sa peau à chaque retour du
 refrain. Ce qu'elle éprouvait était tellement douloureux, vague et
 confus, qu'elle n'aurait su l'exprimer. Mais la musique sentimentale et
suggestive parlait à sa place... il lui semblait qu'elle bégayait son
propre chagrin, qu'elle formulait sa plainte inarticulée, qu'elle pleurait
les heures d'amour sous le vieil arbre, les heures de volupté à tout
jamais évanouies. La fin de chaque couplet ramenait la même petite
phrase suave et dolente que le hautbois et la flûte de l'orgue sanglo-
taient à l'unisson, avec des accents humains ironiques, gais comme des
rires, mouillés comme des pleurs. »
    Mais il y a autre chose encore dans ce livre, autre chose qui en est
comme la dominante, la caractéristique du pays, l'obsession du héros,
la rivale de Marion, c'est la passion de la chasse.