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380 EN OISANS — « Si nous glissons, dit Turc qui ne craint pas plus la facétie que le danger, il faudra nous laisser aller, nous aurons assez d'élan pour franchir la bergschrund. — « Allons, l'neveu, répond Gaspard, nous essayerons une autre fois, ne dites pas de bêtises et soyez solide (dans les grandes occasions il lui disait vous). Maintenant faites tous comme moi, voyez, à reculons. Et je réponds du reste. » Et se tournant, face à la montagne, il enfonce de deux forts coups de pied les bouts de ses souliers dans la neige épaisse, ainsi que le bâton de son piolet, bien verticale- ment. Nous l'imitons. La pente est si forte, qu'en baissant un peu la tête, je vois le Glacier Blanc, en dessous, entre mes deux talons. Mais ce mode de procéder est parfaitement sûr : les pio- lets enfoncés h un mètre de profondeur offrent une solidité à toute épreuve. Nous sommes très rapprochés les uns des autres ; on n'avance que chacun à son tour, et si quelqu'un fait une glissade, il est arrêté aussitôt par celui qui est au dessous. Tout va bien, mais j'aime encore mieux le rocher, et j'éprouvai un vif sentiment de plaisir en arrivant au bas de ce mauvais passage. De là , par une large plateforme de neige, nous attei- gnîmes facilement la brèche (i), qui était notre objectif. (i) Cette brèche a été baptisée Brèche Cordier ;'elle est à 3,420 mètres d'altitude. M. Engelbach a remonté la face sud de ce passage (côté du Glacier Blanc), le 24 juillet 1887, et M. J. Maitre ayant opéré la descente de la face nord, le 23 août 1886, ce col peut être considéré comme ayant été fait : toutefois, il n'a pas encore été franchi par un même touriste.