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27 4 EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ et puissante composition, lignes imposan'es, mais aussi richesse infinie de détail ; que cet air est léger et transparent, que les herbes de celte prairie sont saines et touffues ! Hommes et animaux se meuvent avec toutes les apparences de la vie dans cette perspective si exacte, Voilà une réalité bien choisie et bien rendue. M. de Curzon nous donne trois paysages grecs, l'Acropole d'Alhcues, vue prise des bords de l'Ilyssus, l'Acropole vue prise de la route du Pirêe, et enfin une Vue prise des bords d\i Céphise. Le talent de M. de Curzon est un de ceux pour lesquels nous avons une vive prédilection, il rappelle plus d'une fois la finesse et la netteté de Joseph Vcrnct ; son dessin est d'ordi- naire bien arrêté, ses divers plans bien accuses, son atmosphère douce et limpide. Cependant nous avouerons que les trois paysages que nous avons de lui celte année, nous semblent inférieurs à leur sujet ; ils ne transportent point notre imagination en Grèce et surtout à Athènes. Les terrains, les eaux , la perspective sont dignes de la réputation du peintre , mais ces maigres colonnes, ces pierres si mollement accentuées, si faiblement éclai- rées, sont-ce bien les débris du Parlhénon, des Propylées, de l'Acropole ? Il est certaines villes et certains hommes dont les traits appartiennent de droit au style poétique ; si l'artiste ne ressent point un grand enthousiasme, ni un grand respect, il ne peut les voir tels qu'ils sont. De simples masures de Rome ou d'Athènes, doivent encore dans leur noble misère, nous dire quel- que chose des destinées du pays où on les a vues, autrement ce ne sont point des masures de Rome et d'Athènes. M. Paul Flandrin n'aurait point, à coup sûr, mérité en pareille circons- tance les reproches que nous adressons à M. de Curzon. M. Flandrin est plein de l'antiquité ; c'est sa muse, son démon familier ; il fait des paysages antiques intitules : Environs de Montmorency, bords du Rhône près de Vienne, vergers près d'Ampuis ou de Condrieu ; de telles dénominations et la familia- rité journalière que nous avons avec ces douces campagnes françaises, nous préparent peu à rencontrer les personnages sévères, les esclaves gaulois, les colons romains que l'artiste y fait figurer invariablement. Non erat hic locus... Ajoutons quels nature des lieux est gracieuse, fleurie avec recher- che, et qu'elle nous rappelle beaucoup mieux les alentours d'une maison de plaisance moderne que les champs grossièrement cultivés de nos aïeux les Allobroges, ou les grands domaines dépeuplés et monotones du temps des Césars. Les Bords du Gardon sont, au contraire, une œuvre sérieuse- ment antique. Ici nous sommes bien dans le monde romain, nous sentons près de nous les nobles arceaux qui conduisent les eaux de la source d'Aure dans la colonie de Nîmes, nous avons l'ardent soleil des Cévennes sur nos têtes. La grandeur des lignes, la simplicité de la composition, la beauté vigoureuse des arbres, tout est magistral et digne du style historique, dont M. Flandrin est, dans le paysage, le plus éminent adepte à notre époque. M. Servan, avec moins d'énergie, moins de pureté dans le dessin, suit les traces de M. Flandrin avec bonheur : La femme portant une amphore sur la tête, qui se dirige vers une fontaine sourdissant au pied d'un rocher dans une verte et fraîche prairie (n° 527) est une page d'un goût exquis ; c'est une strophe d'Horace. Avec M. Justin Ouvrié, nous allons à Naples et sur les bords du Rhin. Ces deux tableaux fins, élégants n'ont pas la couleur locale. Nous ne retrouvons pas Naples dans cette vue du quai de Sainte-Lucie, éclairée d'une lumière trop paisible , dans ces murailles baignées par une mer bleuâtre. Ce soleil n'est point celui qui fait pousser en jets vigoureux les cactus et les palmiers sur les pentes du Vésuve. Les lames qui s'élan-