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LE DOCTEUR JEAN FAUST. 269 fement chargé d'un fardeau inaccoutumé , voulut ramener à l'intérieur la tête qu'il tenait penchée en dehors. Mais , ô surprise ! il flt de vains efforts pour la rentrer , ses longues cornes ne pouvant passer par l'étroite ouverture de la croisée. On conçoit tout ce que sa position avait de grotesque et d'incommode. Faust ne mit fin au prestige que lorsque toute la compagnie se fût suffisamment divertie aux dépens du pau- vre seigneur. Celui-ci lui garda rancune et le poursuivit un soir avec le projet de lui faire payer cher sa mauvaise plaisanterie. Mais Faust se rendit invisible, et, pour le punir de son intention de vengeance, lui planta une corne de bouc au milieu du front pour l'espace d'un mois. Le baron ne se tint pas pour battu et résolut de délivrer les honnêtes gens de ce malin sorcier. Une nuit donc, ayant pris avec lui cent Tleitres qui n'avaient jamais eu peur ni de Dieu , ni du diable , ni des vivants, ni des morts, il attendit Faust dans un bois par lequel ce dernier devait passer. Faust, en effet , apparut bientôt sans défiance et sans armes. Le baron et ses cavaliers , sortant de leur embuscade, l'entou- rèrent pour s'emparer de lui. Faust, d'abord surpris, recon- nut bien vite à qui il avait à faire et poussa un grand éclat de rire, auquel mille éclats de rires stridents firent écho simulta- nément de toutes parts; on eût dit que tous les êtres animés et inanimés de la forêt avaient acquis la faculté de rire à la façon des hommes. Cependant quelques cavaliers, plus diffi- ciles à intimider que leurs camarades , avaient déjà posé leurs lourdes mains sur les épaules du docteur, quand un bruit sourd et immense , pareil à un tonnerre lointain , se fit entendre sous les taillis ; la terre vibrait et tremblait comme un mince plancher sous le poids d'une foule de danseurs ; ce bruit de- vint déplus en plus intense , et bientôt d'innombrables cava- liers , montés sur des cavales noires , au sabot plein d'élin-