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246                     LETTRES INÉDITES
petites propriétés. J'ignore quelle est maintenant votre profession
de foi politique, mais j'ai l'orgueil de croire qu'elle ne s'éloigne
pas beaucoup de la mienne. Mais c'est assez sur ce sujet, retour-
nons à votre lettre. Comment vous attendiez une lettre de moi
pour reparoitre chez Madame la comtesse de Beauharnois après
y avoir été présenté et y avoir été parfaitement bien acceuilli !
Cest ce que je ne comprendrai jamais, non jamais vous ne me
persuaderez que vous ayez cru avoir besoin d'un passeport,
d'une lettre de moi à qui Mme de Beauharnois ne pense plus
depuis longtemps, de moi à qui elle n'a rien écrit depuis le
mois de février, de moi dont elle a reçu une lettre écrite, méditée
avec soin le 18 mars, à laquelle elle n'a pas daigné repondre
une ligne. Helas, bien loin de vous ouvrir la porte, mes lettres
vous l'auroient fait fermer si cela etoit possible. Le silence de
cette muse me prouve que loin d'être bien à sa cour, je suis
eft'acé de ses papiers. Mais vous qui êtes pour elle un astre
naissant, qui lui avez été présenté par un des hommes qu'elle
estime le plus, vous qu'elle a si bien reçu, qu'elle a invité à
revenir, dont elle loue partout l'esprit, l'honnêteté, la candeur
et la politesse, vous n'ozez y retourner de vous même et sans
prétextes et vous lui donnez le temps de s'échapper sans lui
avoir dit adieu ! voila par exemple ce qui est inconcevable . . .
                       Pour en revenir à Mme de Beauharnois et à
M. de Fontanes, vous scavez ce qui les a fait partir si brusque-
ment pour Paris. Je pense que la première n'étant pas domiciliée
à Lyon a été priée d'en sortir par le décret qui ne donne aux
 étrangers que 24 heures pour quitter cette ville, sous peine de
 voir leurs biens saisis. Mais quant à M. de Fontannes je ne
 vois pas qu'il eut les mêmes raisons. C'est sans doute pour se
 mettre à l'abri de la bagarre qu'il a pris ce parti ; mais comme
 un autre Enée, il y a laissé sa femme ; cette dame est-elle
 accouchée ? a t'elle fait un poète ou une muse ? voila ce que
 vous avez oublié de me marquer et ce que je serois bien aise de
 savoir. Savez vous aussi combien il a eu de dot ? la dot est
 l'essentiel et quand on est assez sot pour se charger d'une
 femme il faut qu'elle apporte au moins de quoi payer les chiffons.