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178                  DISCOURS DE M. BONNET.
 dans lesquelles de hautes et morales pensées, unies à des aperçus
 ingénieux, se déroulent avec autant de spontanéité que d'ampleur
 et d'éclat.
    L'Académie s'est honorée elle-même en appelant, dans ces
dernières années, M. Sauzet à sa tête. Elle a ainsi prouvé qu'elle
 était animée de l'esprit de ces grands corps qui ne suivent point
les entraînements de la foule, qui ne brisent point les idoles qu'ils
 ont adorées et qui savent honorer, dans la retraite encore plus
 qu'au pouvoir, les hommes qui ont bien mérité du pays.
    Le souvenir de M. Sauzet se lie à celui de M. Menoux, dont ii
 a esquissé la vie dans une de ces pages qui restent inséparables
d'une mémoire respectée. M. Menoux s'est éteint quelques mois
avant M. Viricel, et ainsi, dans le semestre qui vient de s'écouler,
 nous avons perdu les deux doyens de notre compagnie. Aujour
d'hui confondus dans les mêmes regrets, ces deux nobles vieillards
l'avaient été dans l'expression de notre respect affectueux. Tous
deux, il y a quelques années, comptaient un demi-siècle depuis
leur entrée à l'Académie •, ils avaient eu le rare privilège d'arriver
à cette cinquantaine que l'on célèbre au foyer domestique par
une pieuse cérémonie.
   L'idée d'imiter cet usage trouva au milieu de nous la plus
sympathique adhésion, et l'Académie se réunit dans un banquel
sans exemple dans son passé et qui sera probablement sans imi-
tation dans son avenir, pour fêter les deux octogénaires qu'elle
était heureuse de conserver dans son sein.
   Et vraiment ce fut un beau spectacle que l'empressement de
ceux qui donnaient cette fête et l'émotion des deux vieillards
qui en étaient l'objet. L'un et l'autre étaient déjà des hommes
dans ces temps orageux qui terminèrent le dernier siècle ; appelés
alors à choisir entre deux courants contraires, ils prirent réso-
lument leur place dans la minorité honnête et courageuse, et,
pendant tout le reste de leur carrière, ils nous transmirent la
bonne part d'une époque où tout sortit des limites ordinaires, la
vertu comme le crime, le dévoûment comme l'ingratitude, le
sacrifice au devoir comme le dérèglement dans la passion.
  Cependant, à mesure que nous éprouvons des pertes doulou-