Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                          ANTOINE BEHJON.                         167
 cette époque, et amené entre lui et le directeur de l'Ecole, M. Ar-
taud, des scènes de la plus regrettable violence. 11 avait même un
jour poussé l'oubli des convenances au point de s'emporter jus-
qu'à l'invective contre M. d'Albon, maire de Lyon, qui avait tou-
ché dans son cabinet à une pomme de pin placée sur une table
de marbre, et qu'il avait commencé à peindre. Aussi, nonobstant
les bons services qu'il rendait à l'Ecole des Beaux-Arts, il dut la
quitter, et comme il n'avait pas accompli les trente années de
professorat qui pouvaient seules lui donner droit à une pension
de retraite, il lui fut accordé, à cause de son âge-(il avait alors
près de soixante-dix ans), un secours annuel de mille à douze
cents francs sur le budget de la ville, qui lui a été payé jusqu'à sa
mort.
    Rendu ainsi à cette indépendance qui était pour lui le premier
 de tous les biens, Berjon n'en continua que mieux sa vie d'artiste,
 l'une des plus occupées et des plus laborieuses qui fût jamais.
 Assis à son chevalet dès le point du jour, la nuit le surprenait en-
 core le pinceau ou le crayon à la main, interrogeant sans cesse la
 nature pour connaître et interpréter ses secrets les plus merveil-
 leux. Ce labeur incessant, infatigable, il ne l'interrompait que
 pour corriger les dessins de ses élèves etles initier un peu dure-
ment, il est vrai, à la pratique de l'art par des critiques et, des
 conseils non moins utiles que féconds en images pittoresques.
 Aussi, combien d'hommes de talent sont sortis de cette classe
faite dans une mansarde, aux rayons d'un soleil qui éclairait le
 travail du maître bien avant celui des élèves ! Combien n'en a-l-
elle pas produit de ces dessinateurs de fabrique, comme on les
appelle, aussi ingénieux que variés dans leurs compositions , et
 chez lesquels l'imagination n'enlève rien au goût, qui seraient la
 gloire de l'industrie lyonnaise comme ils en sont la fortune, si
par malheur il n'était pas dans la destinée de leurs éphémères
 productions de laisser leurs noms obscurs, et de ne leur assurée
jamais, en dehors de l'étroite enceinte de leurs cabinets, une ré-
putation qu'ils mériteraient si bien. Mais si les leçons du maître
étaient à bon droit appréciées et recherchées, il n'était pas facile
et commun de les recevoir: C'est que travailler sous sa direction