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                         ANTOINE BEÃUON.                         163
lution que tout alors faisait pressentir. Ceux de ses élèves avec,
lesquels il était le plus en confiance disent que lorsqu'il lui arri-
vait d'être en veine de causer sur cette époque de sa vie , les
souvenirs et les anecdotes qu'il en racontait étaient empreints
d'une originalité piquante et remplis du plus vif intérêt. Quel-
ques années après il suivait assidûment les premières séances
de la Constituante, il paraît même qu'il assista, tout au moins
comme spectateur, à la prise de la Bastille et qu'il connut par-
ticulièrement, entre autres personnages célèbres du temps, Bailly
et Mirabeau. Bien longtemps après il en parlait encore avec en-
thousiasme , et lorsqu'il lui arrivait de prononcer le nom du
célèbre tribun de l'Assemblée nationale il ne manquait jamais de
 se découvrir avec respect. Ce culte fervent pour la mémoire du
plus grand orateur de la Révolution française indiquait assez dans
lequel des deux camps Berjon avait alors placé ses vœux et ses
sympathies, et quoi qu'on en ait dit depuis, son grand âge n'avait
pas affaibli l'ardeur de ses opinions. A notre avis elles suffi-
raient parfaitement à expliquer les incroyables méfiances de son
caractère soupçonneux et farouche , qui lui faisait redouter à la
vue de toute personne qu'il apercevait pour la première fois , la
présence de quelque agent secret de la police, chargé de le dé-
 noncer et de le faire mettre en arrestation. Malgré son attache-
 ment à la Révolution et aux idées qu'elle représentait, Berjon ,       \
profondément atteint dans sa position de fortune en fut, au point
de vue de ses intérêts, l'une des premières victimes. Peu de
temps avant le siège de Lyon, le crédit de sa maison de com-
merce fortement ébranlé par les événements qui se succédaient
 avec la rapidité et la violence de la foudre, ne tarda pas à s'é^
 crouler complètement ; Berjon fut alors tout à fait rendu aux arts
 qui ne lui offrirent d'abord qu'une hospitalité bien pauvre et bien
 incertaine. Lyon, vaincu et dévasté après les horreurs d'un siège
 dont on retrouve bien peu d'exemples dans l'histoire, ne lui of-
 frait plus aucune ressource, et c'est autant pour y trouver l'utile
 emploi de son talent que pour s'y perfectionner par l'étude des
 maîtres qu'il se rendit à Paris au commencement de l'année