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DES BEAUX ARTS. 97 Ainsi pour ne parler que de ces dernières, M. Corot a le charme naïf, uni à un sentiment idéal de la nature , M. Théodore Rousseau a un grand accent de vérité, M. Cabat un sentiment exquis et parfois mélancolique , qui lui donne un très-grand charme, M. Français montre une rare aptitude à rendre les effets de demi-brouillard et la physionomie particulière de la nature en automne. M. Edmond Hédouin excelle dans les paysages qui demandent de la lumière et de la chaleur. M. Paul Huet a une grande puissance et un remarquable savoir de coloris qui lui permettent de braver impunément le voisinage des coloristes les plus dangereux. M. d'Aubigny plaitparun naïf et sincère accent de simplicité et de bonhomie, mais la plupart d'entre eux, M. Corot, M. Rousseau, M. Hédouin, M. Français et surtout M. D'Aubigny ont un grave défaut, à mon sens, et dont ils ne sont pas près de se corriger, il ne font pas assez les premiers plans de leurs tableaux, ce qui rend les derniers trop vagues et souvent inintelligibles. 11 me semble qu'il leur serait facile de les pousser plus avant sans tomber pour cela dans la sécheresse et la dureté. Leur exemple, qui est par malheur suivi en ce mo- ment par le plus grand nombre des jeunes paysagistes, perdra, j'en suis convaincu, tous ceux qui voudront les imiter. Cette observation me paraît devoir s'appliquer également à M. Troyon, l'un des chefs de l'école réaliste, et, pour ainsi dire leur maître à tous. Certes la Vallée de la Touque et les Bœufs allant au labour, sont deux toiles splendides, et j'admire, comme tout le monde, la puissance et la vérité de leurs effets, mais je ne renonce pas pour cela à ce que j'ai dit, et je crois sincèrement qu'une exécution plus serrée dans les premiers plans, par exemple, n'ôte- rait rien de leur valeur à chacun de ces magnifiques tableaux. Cette exécution je la retrouve avec plaisir dans l'admirable Fenaison [Auvergne], par M ,le Rosa Ronheur, et je ne suis point dutout de l'avis de ceux qui la déclarent inférieure à son Labou- rage Nivernais, que l'on voit en ce moment au musée du Luxem- bourg; le caractère du paysage est différent, l'heure de la journée n'est plus la même, ce qui rend l'effet tout autre, mais j'y retrouve la même sève, la même harmonie et le même accent de vérité en présence d'une nature plus rayonnante et plus belle. Avec son admirable talent, empreint d'une grâce et d'une force toutes viriles, Mlle Rosa Bonheur est, tout simplement, l'un des plus grands peintres de notre époque. M. Jadin a été surnommé , dit-on, le Raphaël des chiens, cette appellation est fort exacte, car nul ne les a mieux compris et représentés que lui. Tippoo à seize ans et les six têtes de chiens, contenues dans un même cadre, sont assurément de véritables portraits. Parmi les peintres de marine , M. Gudin a joui autrefois d'une réputation aujourd'hui bien déchue. Chez lui la quantité a détruit depuis longtemps la qualité : et c'est tâcheux ear M. Gudin a donné jadis maintes preuves d'une excellente organi- 7