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76 LES TROIS CHAPELON. vous servirez au dessert. Attendez-moi , je vais chercher deux bouchons pour vous délivrer. » Maître Jean songeait bien à autre chose vraiment , et qui l'eût vu courir à travers champs , eût facilement deviné qu'il venait de jouer quelque nouveau tour de sa façon. Qu'on juge du désespoir de la pauvre fille... qu'allaient devenir ses casseroles ?... et que dirait M. le curé? Le dîner était perdu , mais , réflexion faite , mieux valait encore sauver le vin et at- tendre . La messe dite , les invités se précipitent vers la cure ; mais, ô douleur ! une forte odeur de brûlé les suffoque. On court à la cuisine. Les ragoûts et les rôtis offraient l'aspect le plus déplo rable... tout était perdu... et Jeannette n'était pas là ... On la cherche dans tous les coins, on l'appelle à grands cris : pas de réponse... Enfin on la trouve, accroupie devant les deux ton- neaux , « les bras en croix , » attendant miséricorde, et , dans ses angoisses, récitant dévotement son cinquième chapelet pour obtenir sa délivrance. Jeannette pleure , le curé gronde , on s'explique. La pauvre fille éperdue raconte la visite de l'abbé... On devine sur le champ quel il peut être et on le voue en chœur aux dieux infernaux. Enfin, tous convinrent que le tour était fort bien joué , et qu'il valait encore mieux avoir Messire Jean pour ami que pour ennemi. Comme on le voit, l'esprit de notre abbé tournait quelquefois au bouffon , et ce ne sera pas le seul trait de ce genre que nous aurons à rappeler. Jean Chapelon avait choisi pour directeur de conscience l'abbé de SoIIeysel, homme de quelque mérite , comme érudit, qui a laissé un manuscrit sur la ville de Saint-Etienne (1) , et qui était frère de M. de SoIIeysel, écuyer ordinaire du Roi, et l'auteur du Parfait Maréchal. D'un esprit froid , et d'une humeur austère , l'abbé de SoIIeysel ne manquait jamais de rudoyer. lorsqu'il en trouvait l'occasion, r-on humble pénitent ; et celui-ci. loin de se !j Aperçu sur la ville '.le Saint LIKTIIK', pn.r î'K Isidore Iicdde.