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                         LES TROIS CHAPELON.                             47
lée, pendant l'hiver, on ne manquait jamais de raconter quelque
bon tour du joyeux abbé, ou de réciter une de ces pièces si
naïves, si colorées, si émouvantes, qui ont pour titre : La Misera
de Santetiève, l'An 1693 et 1694 j l'Orezon funebra de Jacques
Bellemine ; la Requête aux échevins pour décharger sa mère de la
taille ou bien encore : la Plaisante description de la Caréyma. On
se gardait bien aussi d'oublier les petits chefs-d'œuvre du père
ou les essais de l'aïeul, car cette famille eut le rare privilège de
compter, de père en fds, trois poètes, deux surtout d'un incon-
testable talent. Leur renommée, il est vrai, n'a jamais dépassé
les limites du Forez, ou même de la vallée du Furens, mais elle
n'en est pas moins très-réelle, et ce n'est pas sans une certaine
tristesse qu'on la voit s'obscurcir aux lieux où elle a pris nais-
sance, pour s'éteindre peu à peu dans l'indifférence et l'oubli.
La vapeur, la soif de l'or, la centralisation et les dégoûts de la
vie municipale qu'elle suscite, le flot toujours croissant d'une
population étrangère, plutôt américaine que française, toutes
ces causes minent de jour en jour l'esprit d'autrefois. Désormais,
comme Liverpool ou Birmingham, Saint-Etienne ne retentira
plus que du bruit des marteaux sur l'enclume, et des sifflements
aigus de la vapeur.
   Adieu donc bientôt, et pour jamais, les gais noëls, les joyeux
refrains, les contes salés, la franche et cordiale gaîté des effans
de Santetiève. L'industrie, cette nouvelle reine du monde, ne
connaît d'autre poésie et d'autre harmonie que celle du dollar :
 Times and dollar! Telle est la devise des Yankees, telle est, en
général aussi, celle des Stéphanois. Faut-il s'affliger ou se ré-
jouir de ces tendances? Je ne sais. Dans tous les cas, Saint-
Etienne, au point de vue industriel, n'est en France qu'une ex-
ception, et d'ailleurs il serait hors de propos de mêler à la


une édition définitive et plus correcte de ces (rois poètes qui suffiraient,
seuls, pour l'illustrer, s'ils étaient connus comme ils le méritent. Les
nouvelles pièces trouveraient dans cette publication leur place toute natu-
relle ; la personne à qui elles appartiennent en donnerait volontiers à
l'éditeur, dans ce cas là, une copie complète et authentique.