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INONDATION DE 1840,
Àvez-vous écouté la sombre prophétie
Qu'un Daniel jetait à l'écho des cités,
Oracle qu'ont flétri du nom de facétie
Les Balthazars d'un siècle ivre de voluptés ?
Sur des rocs à fleur d'eau fixant votre paupière,
Avez-vous visité, pèlerin curieux,
La Sibylle du Rhône assise sur la pierre
Qu'un batelier montrait d'un doigt mystérieux?
Eh bien! ces temps prédits par une voix biblique,
Ces maux futurs gravés sur le roc symbolique,
lis sont venus ! l'oracle enfin s'est accompli ;
L'énigme avait un mot dont le sens est rempli,
Et mil huit cent quarante, année aux jours néfastes,
De ses pages de deuil attristera nos fastes.
Novembre, enveloppé d'un manteau de brouillards,
A peine au coin de î'âtro exilait nos vieillards,
Et l'automne étalant ses graves harmonies,
Dépouillait les coteaux de leurs feuilles jaunies,
Quand tout-Ã -coup le ciel, vaste nue aux flancs noirs,
Comme une cataracte ouvre ses réservoirs,
Sillonne l'horizon de son immense trombe,
De nos monts sur la plaine avec fracas retombe,
Et de l'humble ruisseau, qu'il transforme en torrent,
Grossit lefleuvealtier qui marche en conquérant.
Tout conspire à la fois : un malfaisant génie
Semble de la nature insulter l'agonie.
Pour irriter encor l'élément orageux,
Un vent chaud du Jura fond les sommets neigeux ;
Le Doubs impétueux déborde ses rivages,
La Reyssouse en fureur promène ses ravages,
Et la Seille et la Veyle aux paisibles roseaux,
Tous servent de cortège au colosse des eaux.
Chacun reste accablé sous l'effroi qui l'opresse.
Adieu la politique ! adieu la jeune presse,
(1) Cette pièce, dont la couleur est aussi belle que les sentiments en
sont honorables et généreux, nous vient d'un poète que M. de Lamartine a
signalé dans son dernier volume, et dont nous pourrons désormais offrir à nos
lecteurs d'autres inspirations.
Ces mêmes vers se vendent séparément, au profit des inondés, et se trou-
vent dans les bureaux de la Bévue. Prix ; 1 fr.