page suivante »
395 A peine remis du déchirant spectacle qui s'est déroulé sous nos yeux, le peuple se crée de nouvelles frayeurs, cherche dans l'avenir des émotions nouvelles. Depuis 1812, ne s'écrie-t-il pas à chaque crue : Grandes eaux, grandes guerres ! Sa rê- veuse et poétique imagination invente les plus merveil- leuses fictions , renouvelle les légendes du moyen-âge. Il s'en nourrit avidement dans sa naïve crédulité. C'est là un des caractères bien distincts de notre population exaltée et re- ligieuse; elle tient déjà du Midi de la France, par sa prompti- tude à adopter et à propager les récits les plus fantastiques. En voici quelques-uns : depuis ces derniers jours,—et cela peint bien l'état présent de notre cité,—il n'est bruit que d'une mystérieuse apparition qui s'atténue et grandit en passant par mille bouches. Selon les uns, la patronne de Lyon,Notre-Dame de Fourvière, aurait apparu à un factionnaire de l'Hôtel-de- Yille, et lui aurai lannoncé qu'elle se retirait de Lyon, jusqu'à ce que Lyon fût revenu à son fils. Selon les autres, une femme, vêtue de blanc, haute de sept pieds, portant d'une main une urne, de l'autre un glaive et une besace sur le dos, aurait été aperçue au-dessous de Fourvières, dans un lieu écarté. Là , in- terpellée par les trois qui vive ! du soldat en faction (car le fac- tionnaire, brave par devoir, se trouve ici constamment mis en pain et de pommes de terre; il demande M. le maire, on l'introduit auprès de lui. « Monsieur, dit-il, je suis maire aussi, mais d'une toute petite com- mune qui n'est pas bien riche. Je vous amène ce que nous avons pu recueillir; plus fard, nous ferons mieux, si nous pouvons. Voilà quinze quintaux de pain et quatre-vingt bichets de pommes de terre (environ 25 hectolitres). » M. Terme saute au cou du paysan, l'embrasse et le remercie. Celui-ci se relire pour faire décharger sa voiture; mais, arrivé dans la cour, il demande de nouveau à parler à M. le maire. « Je reviens vous dire, Monsieur, que ce n'est pas à moi que doit revenir l'honneur de cette bonne action ; c'est mon adjoint et un conseiller municipal qui m'ont donné cette idée, » Nous regrettons de ne pouvoir citer les noms de ces trois braves gens. La noble et généreuse préoccupation des habitants de Saint-Christophe est trop honorable pour que nous ne nous empressions pas de la signaler.