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434 et communiquent à la foule toujours croissante les mouvemens dont ils sont agités. On propose d'enfoncer les portes du collège pour vérifier les faits, et mettre en liberté les enfans qui pourraient s'y trouver. Toutefois, grâces au major de la ville, M. de la Ver- pillicre, qui, au premier bruit du tumulte, était accouru sur le lieu de la scène, ce projet ne fut pas exécuté. Le jeune et cou- rageux officier prenant avec lui quelques-uns des plus irrités, les fit entrer par une porte latérale dans l'intérieur du collège, en parcourut avec eux tous les détours, et les convainquit par leurs propres yeux de la fausseté de leurs soupçons. Mais sur ces entre- faites, une troupe de jeunes garçons qui prétendaient qu'on leur avait enlevé un" de leurs camarades, étaient entrés dans l'école de dessin, dont ils avaient enfoncé, à coups de hache, une des portes qui communiquait aux deux salles : ils s'y livraient à un singnlier genre de divertissement. Tout ce qui tombait sous leurs mains était brisé et fracassé ; tableaux précieux, objets d'art, livres, meubles, collection d'anatomie, de botanique et de mi- néralogie , rien n'était épargné ; puis tout était jeté pêle-mêle par les fenêtres et recueilli par d'autres frénétiques qui en alimentaient un feu qu'ils avaient allumé sur le bord du Rhône. Tout ceci se passait au milieu d'un bruit confus de cris, de hurlemens, et d'ap- plaudissemens de gens agglomérés de tout âge et de tout sexe ; sans qu'il fut possible à ceux qui étaient préposés au maintien de l'ordre et de la police, jd'y apporter le moindre obstacle, tant la foule était grande et compacte, non-seulement sur le quai, mais dans toutes les rues environnantes. On avait mis aussi le feu à la porte de la boulangerie des pères de l'Oratoire; car on pré- tendait qu'ils avaient donné asile aux médecins; et la populace demandait à grands cris qu'on les lui livrât. Cependant le Consulat était parvenu à réunir sur la place des Terreaux une force armée assez considérable pour espérer de mettre enfin un terme à ces coupables excès. La compagnie du guet envoyée la première, parvint non sans peine à se faire jour et [à occuper l'école de dessin. Retranchés dans cette salle comme dans une citadelle, les soldats auxquels on lance une nuée de cailloux, sont obligés de riposter en faisant un feu continuel de mousqueterie par les fenêtres. Déjà le sang a coulé; à l'aspect de morts et des blessés l'irritation redouble. Les plus audacieux ac- courent chargés de fagots qu'ils entassent au-devant de la porte du collège, et y mettent le feu pour consumer l'édifice et englou- tir les soldats du guet sous les décombres. De nouvelles troupes,