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« Le musée de Lyon renferme un grand nombre de fragmens
antiques de la plus haute importance. Qui ne connaît la ha-
rangue de Claude, gravée sur des tables de bronze, la course de
chars et les autres mosaïques placées dans la galerie des tableaux?
C'est aux soins de M. Artaud que la ville doit cette belle collec-
tion, qui, sous sa direction, s'est formée presque entièrement
de morceaux découverts à Lyon même ou dans les localités voi-
sines.
« La galerie de tableaux est extrêmement intéressante par le
nombre et la variété des ouvrages qu'elle renferme. L'Ascension
du Pérugin, donnée à la ville de Lyon par Pie VII, est l'un des
plus estimés (1). Le caractère des figures et les poses sont ad-
mirables de naïveté et de noblesse ; mais le dessin est sec et dur
comme celui des premiers peintres grecs. La Vierge, qui occupe
le milieu du tableau., n'est pas une femme. Il me semble qu'Ã
cette époque on ne savait ce que c'était que la composition ou
bien qu'on ne faisait aucun cas de cet art. Les figures sont pla-
cées au hasard à côté les unes des autres, et pourraient être dé-
placées sans que le tableau en souffrît.
« Un magnifique Piubens m'a frappé davantage. Le sujet est
bizarre : c'est saint Dominique et saint François protégeant le
monde contre Jésus-Christ qui veutle punir. Jésus-Christ presque
nu, — on le prendrait pour un Jupiter furieux, — tient la foudre
et va réduire la teîre en cendres. La Vierge, belle Flamande,
fraîche et dodue, intercède et lui montre assez inutilement,
comme il paraît, le sein jjui l'a nourri. Dans un côté du tableau,
le Père, enveloppé dans un grand manteau rouge, paraît gar-
der la neutralité ; un groupe de saints et de saintes s'incline et
demande grâce ; mais saint François et saint Dominique ne s'a-
musent pas à de vaines prières, ils pensent au plus pressé ; ils
étendent, l'un sa robe, l'autre sa main , devant la terre, qui
est un beau globe bleu, et ont l'air de dire à Jésus-Christ :
Lance, si tu l'oses! — Lorsqu'on a repris son sérieux, qu'on ne
peut garder en voyant des saints traiter ainsi le Bon Dieu comme
un enfant en colère qu'on lance vertement quand il fait trop de
(1) Il n élê pendaxl quelque temps au musée royal de Paris.