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173 litaire au fond d'un ciel bas et grisâtre. A l'abri, derrière elle, se cache un bon vieux petit village aux maisons de bois, aux rues pavées et tortueuses, d'une naïveté primitive, d'une couleur frap- pante de moyen-âge. Hélas! Crozet était tout cela, du moins quand j'y ai passé mes belles années. Tout fier d'avoir porté autrefois le titre de ville, il étalait encore aux coups du temps les lambeaux de sa vieille ceinture de murailles flanquées de tours; il voyait encore se dresser, imposant, bien que lézardé de crevasses profondes, le bizarre et immense polygone qui le protégeait comme une citadelle. On donne à cette ruine majes- tueuse, dont la destination serait difficile à préciser, le nom de château. Ses épaisses et hautes murailles n'ont pas de ciment extérieur et n'ont jamais été percées, d'aucun jour ; elles enclo- sent un espace circulaire et découvert d'une centaine de pieds de diamètre ; c'est maintenant le jardin du sonneur. Au-dessous il y a, dit-on, de mystérieux souterrains, où la crédulité popu- laire ne manque pas d'enfermer des trésors maudits. Je me sou- viens encore des rumeurs pleines d'effroi qu'excita l'entreprise hardie du bedeau , qui convoitait ces richesses illicites : il avait consulté une sorcière, et, sur ses instructions, lui et quelques âmes perdues, durant une des nuits les plus noires de l'au- tomne, s'étaient affublés des ornemens sacerdotaux; la croix à la main, le goupillon et le sel bénit dans les mains, ils s'étaient introduits processionnellement dans la redoutable enceinte. Mais leurs évocations, leurs conjurations, leurs cercles magiques^ ne produisirent pas l'effet désiré. Chacun se disait ensuite, en les montrant du doigt, que des bruits étranges avaient effrayé leur audace sacrilège, qu'un chien noir leur était apparu, faisant étinceler ses yeux dans l'ombre et poussant de rauques et sinis- tres aboiemens. Le vieux et gigantesque donjon est flanqué au nord d'une tour plus mince, mais plus haute ; c'est au pied de cette tour, sur une roche escarpée à laquelle on arrive par un sentier étroit, que se trouve percée l'unique porte du château: je n'ai jamais rien vu d'un aspect plus triste que cette entrée isolée et abrupte , où jamais le soleil ne donne, et d'où la vue ne peut s'étendre que sur un horizon borné qui saisit l'ame d'une indicible et insurmontable mélancolie. En face de vous, une