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89 de vos compagnes. Depuis le jour où Vévêque me donna sa bé- nédiction à laquelle vous répondîtes amen, Dieu a mis fin aux peines que j'endurais et que je devais souffrir pendant trente-trois ans. Je vais aujourd'hui même jouir du bonheur des élus; mais, avant de vous quitter, je veux encore une fois annoncer ici ma présence, et cette nuit à matines je ferai grand bruit parmi vous. Sœur Alix tint parole ; elle fit en- effet un bruit épouvantable, puis elle frappa trente-trois coups^ lesquels indiquaient la rémis- sion des trente-trois ans de purgatoire auxquels elle avait été condamnée. Les bonnes dames de St-Pierre furent d'abord très- effrayées ; mais sœur Antoinette leur ayant donné l'explication de ce qui se passait, elles en louèrent Dieu et se réjouirent avec les anges du bonheur aecordé à leur compagne jusqu'à à la fin des siècles. Dans ces temps, qui fort heureusement s'éloignent de nous, le clergé, malgré sa toute puissance, comprenait cependant qu'il lui importait de jeter quelquefois le voile du merveilleux sur les désordres qui trop souvent compromettaient l'église. Aussi pen- sons-nons qu'Antoinette de Groslée n'aurait point obtenu les hon- neurs de l'exorcisme, si, quelques années auparavant, la con- duite des dames de St-Pierre eut été moins irrégulière. Nous pen- sons également que cette pauvre sœur Alix de Tisieux aurait subi ses trente-trois ans de purgatoire, si l'on n'eut pas imaginé d'en faire une sainte tout exprès pour rétablir un peu la réputation de ces bonnes religieuses. Quant aux apparitions , dont sœur Antoi- nette fut l'objet, il nous paraîtrait hasardeux de les révoquer tout-à -fait en doute. On sait que les murs d'un couvent ne sont pas toujours assez hauts, ni ses grilles assez fortes pour préser- ver l'innocence du cloître des séductions profanes ; et puis, à dix- huit ans, le voile pèse trop sur un joli front pour qu'on n'accueille pas la main qui le soulève Mais, bonnes sœurs, un repos séculaire est assis sur vos tombes , et comme je n'ai point l'in- tention de le troubler, ave mes sœurs, Stanislas CLERC.