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ne pouvait donner des preuves plus marquées de sa soumission à son souverain
qu'en se dépouillant en sa faveur du droit de se choisir un gendre. Sa fille était
recherchée par les plus puissans partis, et la duchesse de Mayenne l'avait de-
mandée avec de grandes instances pour son fils, le marquis de Villars; mais ce
prudent gouverneur, à qui cette alliance toute honorable qu'elle était, ne plaisait
pas, parce qu'il apercevait que cette famille cherchait à établir sa grandeur au
préjudice de celle du souverain, éluda ces propositions en se retranchant sur la
volonté, du roi. C'est au choix judicieux que fit ce monarque de la personne
d'Alincourt, que nous sommes redevables de la splendeur et de tous les glorieux
avantages dont cette ville jouit depuis plus de cent-trente années, sous l'heureux
gouvernement de l'illustre maison de Villeroi.
    Pour observer un ordre qui puisse en même temps écarter la confusion dans
l'enchaînement des faits et soulager 1,'attention, je crois devoir tracer présentement
le portrait d'un célèbre personnage, d'un caractère entièrement opposé au pré-
cédent, puisqu'il ne fit servir ses talens extraordinaires que pour semer le trouble
dans cette ville, et fomenter la division dans l'état.
    Pierre d'Espinac, archevêque de Lyon, joua un si grand rôle pendant la
Ligue, qu'on peut le regarder comme un des principaux acteurs "du parti. La
part qu'il eut dans toutes les affaires générales ne l'empêcha pas d'entrer avec
chaleur dans les intrigues particulières de cette ville. Ce prélat, qui a été exalté
par ceux de sa faction et déchiré cruellement par le parti contraire, mérite que
 nous le fassions connaître. 3e me dispenserai, en faisant son portrait, d'employer
les traits odieux avec lesquels plusieurs écrivains, et surtout ceux de la Satire
Menippée du Catholicon d'Espagne, l'ont peint ; mais , le représentant tel qu'il s'est
 montré au public dans toutes ses démarches, je tâcherai de le copier d'après le
 naturel.
    Pierre d'Espinac apporta en naissant toutes les qualités qui concourent à former
 les grands hommes, tant du côté de la naissance que des avantages du corps et
 de l'esprit. Il était fils de Pierre d'Espinac, chevalier seigneur d'Espinac, et de
 Guicharde d'Albon ; du côté paternel il tirait son extraction de l'ancienne maison
 des d'Orgels de St Priest, et du côté maternel il ne recevait pas une moindre
 illustration. Il naquit au château d'Espinac, situé en Forez, près la petite ville
 de St-Bonnet-le-Chàtcau ;. son père, qui fut lieutenant du roi au gouvernement
 de Bourgogne sous le duc d'Àumale, gouverneur en chef, et son frère aîné, qui
 était lieutenant de (a compagnie d'ordonnance du même duc, lui inspirèrent
 l'inclination fatale qu'il conserva toute sa vie pour la maison de Lorraine. Sa mère,
 d'autre part, qui était sœur d'Antoine d'Albon, pourvu alors de bénéfices consi-
 dérables , et ensuite archevêque de Lyon, détermina sa vocation pour l'état ecclé-
  siastique-, jusqu'à l'âge de dix ans, temps peu propre à faire un choix, il fut
  pourvu d'un canonicat dans cette illustre église. L'application à l'étude jointe a
  un esprit vif et pénétrant, le rendirent de bonne heure capable des plus grands