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22 ne pouvait donner des preuves plus marquées de sa soumission à son souverain qu'en se dépouillant en sa faveur du droit de se choisir un gendre. Sa fille était recherchée par les plus puissans partis, et la duchesse de Mayenne l'avait de- mandée avec de grandes instances pour son fils, le marquis de Villars; mais ce prudent gouverneur, à qui cette alliance toute honorable qu'elle était, ne plaisait pas, parce qu'il apercevait que cette famille cherchait à établir sa grandeur au préjudice de celle du souverain, éluda ces propositions en se retranchant sur la volonté, du roi. C'est au choix judicieux que fit ce monarque de la personne d'Alincourt, que nous sommes redevables de la splendeur et de tous les glorieux avantages dont cette ville jouit depuis plus de cent-trente années, sous l'heureux gouvernement de l'illustre maison de Villeroi. Pour observer un ordre qui puisse en même temps écarter la confusion dans l'enchaînement des faits et soulager 1,'attention, je crois devoir tracer présentement le portrait d'un célèbre personnage, d'un caractère entièrement opposé au pré- cédent, puisqu'il ne fit servir ses talens extraordinaires que pour semer le trouble dans cette ville, et fomenter la division dans l'état. Pierre d'Espinac, archevêque de Lyon, joua un si grand rôle pendant la Ligue, qu'on peut le regarder comme un des principaux acteurs "du parti. La part qu'il eut dans toutes les affaires générales ne l'empêcha pas d'entrer avec chaleur dans les intrigues particulières de cette ville. Ce prélat, qui a été exalté par ceux de sa faction et déchiré cruellement par le parti contraire, mérite que nous le fassions connaître. 3e me dispenserai, en faisant son portrait, d'employer les traits odieux avec lesquels plusieurs écrivains, et surtout ceux de la Satire Menippée du Catholicon d'Espagne, l'ont peint ; mais , le représentant tel qu'il s'est montré au public dans toutes ses démarches, je tâcherai de le copier d'après le naturel. Pierre d'Espinac apporta en naissant toutes les qualités qui concourent à former les grands hommes, tant du côté de la naissance que des avantages du corps et de l'esprit. Il était fils de Pierre d'Espinac, chevalier seigneur d'Espinac, et de Guicharde d'Albon ; du côté paternel il tirait son extraction de l'ancienne maison des d'Orgels de St Priest, et du côté maternel il ne recevait pas une moindre illustration. Il naquit au château d'Espinac, situé en Forez, près la petite ville de St-Bonnet-le-Chà tcau ;. son père, qui fut lieutenant du roi au gouvernement de Bourgogne sous le duc d'Àumale, gouverneur en chef, et son frère aîné, qui était lieutenant de (a compagnie d'ordonnance du même duc, lui inspirèrent l'inclination fatale qu'il conserva toute sa vie pour la maison de Lorraine. Sa mère, d'autre part, qui était sœur d'Antoine d'Albon, pourvu alors de bénéfices consi- dérables , et ensuite archevêque de Lyon, détermina sa vocation pour l'état ecclé- siastique-, jusqu'à l'âge de dix ans, temps peu propre à faire un choix, il fut pourvu d'un canonicat dans cette illustre église. L'application à l'étude jointe a un esprit vif et pénétrant, le rendirent de bonne heure capable des plus grands