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484 H EN El HIGNARD certains scrupules que je suis forcé de trouver assez justes toutes les fois que je regarde mon almanach. C'est une chose terrible, mon ami, que de voir devant soi un but très difficile à atteindre ; de n'avoir que peu de temps pour y parvenir, de voir ce temps s'enfuir avec une rapidité sans égale, lorsqu'on voudrait le retenir, et qu'il ne laisse pres- que aucun résultat, lorsqu'on aurait tant besoin d'en bien profiter. C'est précisément la position où je suis. Je me fatigue beaucoup, et je fais peu de chose ; il y a des moments où il m'est impossible même de t'écrire, ce que je fais pourtant sans apprêt. J'espère faire mieux pendant l'année qui va commencer; je tâcherai surtout d'être plus calme, et de moins me tourmenter, si j'y réussis, ce sera un grand pas de fait et j'en bénirai Dieu. D'après mon habitude, mon cher ami, pour que tu te souviennes de ce commencement d'année, je t'envoie un livre qui, je l'espère, te sera agréable. Il ne coûte pas bien cher, et cependant il est d'un grand prix pour ce qu'il ren- ferme. Ce sont les principales œuvres de Fénélon. L'édition n'est pas belle, mais elle a l'avantage de renfermer beaucoup de choses dans un volume assez' peu considérable. T u pourras y lire des ouvrages que j'aime bien, et que, j'en suis sûr, tu aimeras de même ; surtout le Traité de l'existence de Dieu. C'est de la bien belle philosophie que faisaient ces saints évêques du xvu e siècle, et c'était de la philosophie simplesans grands mots, sans phrases à effets, sans termes obscurs. Ils n'écrivaient pas comme tant d'autres philoso- phes pour un petit nombre d'initiés, mais pour toutes les âmes chétiennes capables d'entendre le français. Tu y trou- veras encore un bien beau sermon aux prêtres des Missions étrangères; puis le TèJèmaque que tous les Français doivent avoir, et enfin ce charmant traité de l'Education des filles