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            DE LA BIBLIOTHEQUE DU BAKON PICHON                        41 5

thèse de sa carrière de bibliophile et, à la fin, il montre,
avec une douce philosophie, combien l'amour des livres
est un puissant dérivatif aux tristesses et aux soucis qui
nous assaillent tôt ou tard.

   « Depuis ma plus tendre jeunesse, j'ai aimé, adoré les livres, et
comme tout homme qui aime, j'ai tout aimé d'eux, le fond et la forme.
Plus tard, j'ai appris à apprécier leur rel'ure et leur provenance. Quel
charme de tenir dans ses mains un livre élégamment imprimé, revêtu
d'une reliure contemporaine de son apparition, donnant la preuve,
par un signe quelconque, qu'il a appartenu à un personnage illustre
ou sympathique, et de penser qu'en touchant ce volume qu'il a touché,
lu, aimé, on entre avec lui dans une mystérieuse communion.
   « La première fois que j'ai connu l'émotion des enchères, c'est à la
venté de la Mésangère, en 1831. J'allais atteindre mes dix-neuf ans ;
j'achetai là pour 20 francs un superbe exemplaire des Heures de Mdcon,
de Simon Vostre. Ce n'était pas trop mal débuter.
   « Alors et quelques années plus tard, le goût et le marché des livres
étaient fort différents de ce qu'ils ont été depuis. Il n'y avait que peu
de gens riches s'occupant activement de livres ; je citerai parmi eux
M. Bérard, le duc de Poix, M. de Soleinne, MM. Coste et Yéméniz, â
Lyon. Le duc de Rivoli et M. Cicongne paraissaient un peu plus tard
et ave*quel éclat! Le reste des acheteurs se composait de petits ama-
teurs ou de quelques châtelains de province consacrant seulement une
faible partie de leur revenu aux livres. M. Leber suivait assidûment
les ventes et faisait là patiemment son admirable collection en dépen-
sant relativement fort peu.
    « Je fus traité de fou lorsque à la vente Pixerécourtje payai 500 francs
la Bible de Vitré, de Longepierre (depuis M. Sauvage l'a achetée
 15.000 francs),_et ce fut au milieu des éclats de rire de la salle Silvèstre
(je ne dis là que l'exacte vérité) que me fut adjugé, à 95 francs, le déli-
cieux Pétrone, d'Hoym, de 1677.
   «...Tout ce que jerecevais de mes parents, sauf ce qui m'était
nécessaire pour mon entretien, passait en livres ; mais je devenais plus
avide à mesure que ma bibliothèque devenait plus riche. MM. Deburfi
s'étaient mis à ma disposition pour mes acquisitions à la vente Richard;
Heber. Ils me laissaient toute latitude possible et jamais je n'oublierai