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                LETTRES DE L'ÉCOLE NORMALE                      395
   Je connais beaucoup moins le système de Malebrancbe ;
je sais seulement que c'était un philosophe très chrétien,
c'était même un prêtre, un Père de l'Oratoire, et il a laissé
d'admirables ouvrages sous plusieurs rapports. Tu-les étu-
dieras avec plaisir et profit dans quelque temps, lorsque tu
te seras débarrassé un peu des nombreux travaux que tu as
déjà sur les bras, car il ne faut pas entreprendre trop de
choses à la fois. Les doctrines de métaphysique de
Malebranche sont très belles ; peut-être, cependant, avait-il
trop d'imagination, et cela l'a entraîné dans quelques
théories fondées seulement sur de pures hypothèses,
comme, par exemple, sa Vision en Dieu. Il croit que toute
idée nous vient de Dieu, c'est ainsi qu'il établit leur certi-
tude, de là cette expression que nous voyons tout en Dieu,
c'est-à-dire par l'intermédiaire de Dieu. Il appuie tout cela
de raisonnements très ingénieux; mais le grave Bossuet,
qui comprenait bien combien de pareilles suppositions font
de tort à la vérité, en accoutumant les esprits superficiels
à la regarder comme hypothétique, Bossuet, dis-je, en qua-
lité à'évêque ayant charge d'âmes, censura cette partie des
écrits de Malebranche, et on trouve dans ses ouvrages deux
ou trois lettres très belles à ce sujet. Le dix-huitième siècle,
par un tout autre motif, c'est-à-dire par la haine pour toutes
les doctrines élevées, traita Malebranche plus mal encore
et c'est Vo'taire, je irois, qui fit poului ce vers injur-
rieux :

        Lui qui voit tout en Dieu n'y voit pas qu'il est fou.


  Ces vacances, si tu le veux, je te donnerai sur ces deux
philosophies des détails qui entreraient difficilement dans
une lettre.