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LETTKKS DE L ' É C O L E NORMALE 2VJ conversation, car dans une conversation on cherche à mettre de la suite dans son discours ; et c'est bien plus nécessaire encore lorsqu'on écrit. Ce que tu me dis est un peu décousu; il semble que tu écrives, pour écrire, et sans avoir rien à dire que tu penses réellement ; ou du moins, tu ne t'es pas rendu un compte bien exact de ta pensée ! Attache-toi à cette étude, mon ami. Celui qui, soit en par- lant, soit en écrivant, ne sait pas bien ce qu'il veut dire, et le dit mal, celui-là est un homme sans valeur. Pour nous qui sommes des enfants et qui avons encore devant nous le temps de faire de grands progrès, ne nous décourageons pas, et profitons bien de ce temps. Voici le problème à résoudre : exprimer ses pensées de quelque ordre quelles soient de manière à ce que le discours en soit le miroir fidèle, et qu'il les reproduise dans l'esprit des autres, telles qu'elles sont dans notre propre esprit. Ce talent est bien rare, bien peu d'hommes peuvent s'en vanter, mais au bout du compte, il faut être des gens distingués, et nous ne le serons qu'à ce prix. Courage donc et la main à l'œuvre. Tu dois trouver mes reproches bien sévères, n'est-ce pas? Mais l'amitié explique tout, et, vraiment, nous sommes faits de telle sorte nous autres pauvres hommes que nous n'apercevons jamais nos défauts à moins qu'on ne nous mette le doigt dessus avec un peu de rudesse. A la maison, où je n'étais jamais contredit, je m'encroûtais. A l'école, au contraire, où il règne une franchise un peu brusque et très peu ménagée, je profite beaucoup, parce qu'on me force bien à reconnaître les faiblesses de mon esprit, et à y porter immédiatement remède. Tu sais que Boileau a dit : « Faites-vous un ami prêt à nous censurer. » Tu ne m'as pas parlé de Santa Rosa. Je serais cependant envieux de savoir ton opinion sur ce morceau, afin de la