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372 L'ŒUVRE DE PIERRE DUPONT Dans la chanson citée plus haut, le poète invoque notre clémence pour les insurgés de juin : Un peu d'or dans l'ombre semé, Un lambeau de pourpre qui brille, Font sortir tout un peuple armé Quand le pain manque à la famille. Rien ne saurait excuser l'émeute; mais le juge le plus rigide incline à prendre en considération les incitations de tout genre auxquelles l'ouvrier sans travail est en butte. Nous ne pouvons donc nous autoriser de l'indulgence mon- trée par le chansonnier, pour le transformer en un révolu- tionnaire. Pas davantage, lorsque dans un autre chant, il appelle le tzar : Le tigre couronné du Nord. Ce sont-là figures de mots, de la langue courante en poésie, et que la politique, au surplus, couvre d'une tolé- rance de plus en plus large : tous les jours, le plus honnête homme du monde, s'il arrive au pouvoir, est unanimement traité de gredin par ses adversaires. Mais voici qui peut être plus grave : le Chant du pain. A première lecture, cela sonne comme " un hymne de combat : On n'arrête pas le murmure Du peuple, quand il dit : « J'ai faim » ; Car c'est le cri de la nature : Il faut du pain ! Cette chanson n'occupe pas, dans les diverses éditions, la place que lui assignerait la date où elle fut écrite. C'était en 1846 : le pain valait alors sept sous la livre et le poète