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344                LETTRES D'HIPPOLYTE FLANDRIN

Celles de Flandrin, dans un tout autre ordre et avec quelque gaucherie non
sans charme, rappellent la discrétion et la simplicité des lettres de Racine.
Les unes et les autres sont d'un chrétien, et du même christianisme, pour
ainsi parler.
    Elles ont surtout cela de remarquable pour un artiste, c'est que l'auteur ne
dogmatise jamais, n'impose jamais de doctrines ni de formules, ne cherche
jamais à justifier sa peinture par ses maximes, ne cherche à convertir per-
 sonne, ne daube pas ses rivaux, n'écrit que pour son ami et non pour la
postérité. Pour tout dire d'un seul mot, il ne prend pas « d'attitude ».
 Il tient simplement cet ami au courant de ce qu'il voit, de ce qu'il fait et de
ce qn'il éprouve. Rien de plus, et cela suffit.
   On serait heureux de connaître les réponses de Lacuria. Un peu froides,
égales, elles devaient souvent déborder de l'art sur la philosophie et la littéra-
ture. Lacuria, ayant beaucoup de lectures et doué de la curiosité de l'esprit,
exposait sans doute plus d'une fois les idées générales qui chez lui se grou-
paient en un système très étudié.
   Lacuria avait épousé une élève distinguée de M. Janmot, le peintre lyonnais,
M11' Chatte. C'est à elle que je dois le dépôt des lettres de Flandrin, qu'elle
me remit après la mort de son mari, survenue le 6 novembre 1868. Peu
après la guerre, Mme Lacuria quitta Lyon et je n'ai plus eu de ses nouvelles.
Je ne crois pas abuser de sa confiance en publiant ces lettres, qu'elle avait bien
voulu me confier sans restriction aucune, et je crois être certain qu'elle approu-
verait cette publication.
                                                        Clair TISSEUR.




                                        I

                                               Rome, le 23 avril 1835.

   Mon cher Lacuria, qu'il y a déjà de temps écoulé (au
moins il me semble) depuis cette dernière promenade à la
Pape, où le cœur oppressé par l'idée de vous quitter pour
si longtemps, je ne pus rien dire, rien penser; à peine vous
dis-je adieu, à vous que j'aime ! Je vous regardai partir d'un