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LETTRES D'HIPPOLYTE FLANDRIN 345 air stupide; mais que de fois depuis je vous ai appelé pour jouir avec moi, car à Paris nous étions émus des mêmes choses ! C'est pourquoi dans les Alpes, à Milan devant la cathédrale, à Florence devant les Masaccio, les Giotto, les Fiesole, à Rome devant les Raphaël, les Michel-Ange; dans la ville, à la campagne, partout où j'ai vu de belles choses, j'ai pensé à mes frères, et toujours vous étiez avec eux. Je suppose que mes frères vous ont montré toutes mes lettres et que, par conséquent, vous savez comme je suis ici, ce que j'y fais et quelles sont les impressions que j'ai éprouvées. Cependant j'aurais tant à vous dire que je ne sais par où commencer, et ne vous dirais peut-être rien si je ne prenais un parti franc. Je vous raconterai ce que j'ai vu le jour de Pâques, le matin d'assez bonne heure. Je me dirigeais vers Saint-Pierre. La grande place était déjà couverte de paysans des environs de Rome avec leurs femmes et leurs enfants, et parmi eux beaucoup de pèlerins, dont plusieurs venaient de très loin. Le plus grand nombre était assis par terre, attendant la bénédiction qui devait se don- ner à midi. Il y avait là des choses admirables... Bientôt l'église s'emplit aussi. La foule, dans les églises, n'est point tranquille comme en France. Là , il n'y a point de chaises, et constamment elle s'agite et ondoie comme une mer. J'eus le bonheur de me bien placer et assistai à la grand' messe, célébrée par le Pape. Le cérémonial est sublime. Après, il a traversé processionnellement toute l'église. Porté sur un trône par seize hommes, il est précédé par tous les évêques présents à Rome. Je n'ai jamais vu d'aussi belles têtes que dans les Grecs et les Arméniens. Puis venaient tous les cardinaux et enfin le Pape. Il a été porté jusqu'à une tribune qui est au milieu de la façade de Saint-Pierre