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                  LETTRES D'HIPPOLYTE FLANDRIN                            543

ainsi les phases successives par lesquelles doit passer l'esprit humain, d'abord
par une période de foi confiante, puis par la crise du « comment » et du
« pourquoi », et finalement par l'adhésion intellectuelle et libre à la Vérité.
En d'autres termes : « Enfance, Jeunesse, Age mûr ; — Cœur, Intelli-
gence, Raison. »
   L'ouvrage est écrit dans une langue étudiée, d'une correction achevée, poé-
tiquement, mais sans rien de la forme pittoresque, des accidents de plirase,
du tour piquant, commun aux peintres, qui écrivent ordinairement... comme
ils peignent. En Lacuria, c'était l'inverse : il peignait comme il écrivait.
    L'ouvrage se termine par une admirable prière, tout empreinte de piété
noble, délicate, intime, et où se révèle le sentiment de la plus haute moralité.
Plus d'une phrase est, peut-être sans le vouloir, une critique amère du catho-
licisme tel que l'entendaient M. Veuillot et son groupe.
    Flandrin et Lacuria, à côté de la communauté d'idées artistiques, avaient
la communauté d'idées religieuses et même libérales (2); ils avaient été cama-
rades ; c'étaient deux nobles esprits ; ils étaient pour s'aimer, et l'on peut
 dire, en effet, que pour Hippolyte, qui avait à un si haut degré le sentiment
de la famille, Louis était un troisième frère. Celte amitié déborde dans les
 lettres de Flandrin, et elle était payée de retour.
    Ces lettres sont longues, longues comme les lettres de la jeunesse, où Ton
verse son cœur sur le papier, où l'on conte minutieusement les moindres inci-
dents (f). Elles sont faites sans art, un peu unies, mais elles révèlent la belle
âme de Flandrin, toujours « tournée en haut ». L'affection tendre, profonde
pour ses parents, pour sa famille; une modestie absolue, si différente de la
présomption trop ordinaire aux artistes, — je dirais volontiers de leur
«, bagou » coutumier, — tout y fait aimer l'homme sous l'artiste. J'ose
affirmer que Flandrin est rehaussé par cette correspondance si simple, autant
 que la plupart des hommes de lettres, dont on a publié les correspondances ces
 dernières années, ont été diminués par la divulgation de leur être intérieur.



  (2) Tous deux avaient chaudement sympathisé avec Lamennais au
temps de son catholicisme libéral, et fait cause commune avec l'Avenir.
   (3) Nous avons cru devoir supprimer d'assez nombreux passages
pour ne pas allonger outre mesure cette publication et fatiguer le lec-
teur par l'excès des détails. A ces lettres s'en trouvaient jointes un
certain nombre, non moins intéressantes, de Paul Flandrin. Un senti-
ment bien naturel de discrétion nous a empêché de reproduire celles-ci]