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D'ARLES A SAINT-LOUIS-DU-RHONE 291 je me trouve sur le pont, encombré par une quantité d'ins- truments agricoles, de tonneaux et de caisses sans nombre; point de cale pour recevoir les marchandises. On circule avec peine à travers cet entassement. Mais il est vrai qu'on peut descendre dans des chambres dites de premières ou de secondes classes, qu'on a décorées du nom de salons. La cloche sonne à plusieurs reprises pour appeler et réappeler les voyageurs attardés; plusieurs fois la planche est levée puis remise, enfin on largue les amarres, le cri strident du sifflet a retenti, les roues battent le fleuve avec bruit, nous sommes en route. Le ciel était assez couvert, mais il s'est rapidement dépouillé, grâce à un fort vent du sud-ouest qui s'est chargé de l'éclaircir. La verdeur de la rive étincelle au soleil; à droite, de longues lignes de saules et de peupliers sou- lignent la Camargue ; à gauche, la Crau ou plan de Fos. Nous sommes en avril, et cette précoce et luxuriante végétation, qui décore les deux rives du fleuve, durant quarante-deux kilomètres, a lieu de surprendre et d'en- chanter le voyageur. La Camargue, surtout, située entre le petit et le grand Rhône, s'étend sur une superficie d'environ cent mille hectares, dont il faut déduire près d'un tiers d'étangs et de pacages dans l'intérieur de l'île, qu'on utilise sans doute, mais qui sont, toutefois, loin de récréer la vue. Plusieurs de mes compagnons de route m'affirment que la terre y vaut de 100 à 500 francs l'hectare, que de grands propriétaires qui en possèdent plusieurs milliers font de bonnes affaires s'ils veulent s'en donner la peine. Le sol produit beaucoup, tout en ne réclamant que très peu de façons. L'eau et le soleil abondent, c'est l'essentiel. On trouve assez fréquemment des propriétaires possédant deux