Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
266                   LE DERNIER LIVRE

 avortement du poète dans une boutique, est de pure inven-
 tion. Petit Chose était incapable d'un pareil suicide.
    M. Daudet nous raconte plaisamment tous les dangers
que lui a fait courir la colère des compatriotes de Tartarin.
Il paraît qu'on est venu à Paris tout exprès pour l'assassiner.
 On dirait qu'il n'est pas encore bien rassuré, car il s'épuise
 à plaider les circonstances atténuantes de sa faute. Tartarin
 n'a jamais existé ; l'auteur a prêté à un héros imaginaire ses
propres bravades, ses propres ridicules. On ne saurait
s'exécuter de meilleure grâce, et les Tarasconais sont bien
vindicatifs s'il leur reste encore une ombre de rancune.
    Peu de chose sur les Lettres de mon moulin, et c'est regret-
 table. On aurait aimé à connaître l'histoire de ces jolis
tableaux de genre, où le poète qui vit encore sous le roman-
cier se révèle par mille traits charmants. En revanche,
M. Alphonse Daudet nous parle longuement de Jack, et
 c'est une histoire touchante.
    Jack est un personnage réel, de son vrai nom Raoul D . ,
que M. Daudet a connu, a aimé, a secouru dans sa cruelle
infortune. Non moins réels la plupart des épisodes racontés
dans le livre ; et ceux qui ont pleuré en le lisant n'ont pas
à regretter d'avoir perdu leurs larmes sur un malheur ima-
ginaire.
    Fils d'une coquette sans cœur, qui ne put même lui faire
connaître son père ; placé à douze ans, par le caprice d'un
amant de sa mère, dans un atelier d'ouvriers, cet apprentis-
sage fut d'autant plus dur au pauvre enfant, qu'il avait été
élevé dans le luxe, et que sa frêle constitution le rendait
absolument impropre à un rude labeur. Malade, abandonné
par sa mère, flétri par une misère prématurée contre
laquelle il était désarmé, il languit dans les hôpitaux.
M. Alphonse Daudet parvint à l'en tirer pour l'envoyer en