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260 LE DERNIER LIVRE collège d'Alais. Il a raconté cette histoire dans son joli livre de Petit Chose, dont la première partie est une sorte d'auto- biographie ; long récit de ses ennuis et de ses douleurs, d'abord dans cette humble et pénible condition, si indigne de lui, puis pendant le rude noviciat par lequel il se prépara, dans un grenier de Paris, à ce métier d'homme de lettres dont les débuts sont si difficiles à qui doit vivre de sa plume. Aujourd'hui que le succès a couronné ses longs et cou- rageux efforts, où à force de travail et de talent il a conquis la fortune et la renommée, M. Daudet se plait à revenir sur ces tristes commencements, et c'est bien naturel. De même que le malheur présent est plus douloureux à qui se rappelle les beaux jours d'autrefois, de même le souvenir des souf- frances passées donne une saveur plus douce aux biens dont on jouit. Ce lointain même est comme un prisme qui les colore et leur prête un charme imprévu. C'est sans doute pourquoi M. Daudet, non plus cette fois sous le voile d'une fiction, comme dans Petit Chose, mais franchement, et à découvert, nous raconte de nouveau sa difficile et pénible enfance. Il y joint le récit de ses premiers travaux, de ses premiers succès, l'histoire de ses premiers ouvrages. Il intitule le tout : Trente ans de Paris, à travers ma vie et mes livres. Ce dernier venu de ses écrits forme un joli volume, décoré d'élégantes illustrations, et dont il n'est pas nécessaire de faire ressortir l'intérêt. Raconter sa vie et ses travaux c'est raconter son âme, et l'âme d'un homme comme M. Daudet mérite d'être connue. Voilà donc ce pauvre Petit Chose (car c'est bien lui, il l'avoue sans détour) fugitif de la geôle d'Alais, arrivant à Paris dans un dénuement absolu, n'ayant d'autres chaussures que des caoutchoucs ; ce détail, qui étonna bien des lecteurs, est absolument exact. Heureusement il était attendu au