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                    D'ALPHONSE DAUDET                     26l

débarqué de la diligence par son frère aine, M. Ernest
Daudet, qui déjà gagnait sa vie en menues besognes litté-
raires, journaliste par occasion, et secrétaire d'un vieillard
dont il rédigeait les Mémoires. Il était logé et il établit son
frère dans une mansarde près le Luxembourg. C'est un
aimable et touchant début dans la vie que cette affection
mutuelle des deux frères, où l'aîné joue tout à fait le rôle
d'un père, ou plutôt d'une mère. Dans Petit Chose il
s'appelait Mère Jacques. M. Alphonse Daudet ne parle de
son frère qu'avec un accent d'affection reconnaissante qui
nous fait plaisir, car nous avons quelquefois entendu accuser
son cœur, à tort croyons-nous; et nous en aurons plus tard
une nouvelle preuve quand nous arriverons à son beau
roman de Jack, Histoire d'un ouvrier.
   C'est pendant ces deux ou trois années de courageuse et
joyeuse misère, que M. Alphonse Daudet, assis à son établi
de rimes (comme il appelle sa table de travail), écrivit les
vingt-une petites pièces de vers qu'il publia dans son pre-
mier volume imprimé : les Amoureuses (1858). Il avait
moins de vingt ans.
   Dès sa première jeunesse M. Daudet avait montré, avec
le goût de la poésie, une remarquable facilité à exprimer en
jolis vers des idées ingénieuses et tendres. Dans ses essais
d'écolier il imitait Lamartine, Musset et son quasi-compa-
triote Reboul, de Nîmes. Mais quand il pensa à écrire des
vers pour le public, il sut se débarrasser de ces souvenirs, de
ces habitudes d'imitation, il sut être lui-même; et, au
milieu des innombrables productions poétiques qui chaque
année s'empilent aux vitrines des libraires, ce mince volume
des Amoureuses fut remarqué par son accent original. La
critique lui fut bienveillante, et c'était justice. Aujourd'hui
on connaît surtout la petite pièce en rondeau sur les prunes ;