page suivante »
l8o PAUL HUMBLOT de sa profession. Il voyait avec satisfaction l'autorité, le grand principe qu'il mettait au dessus de tout, diriger la marche de son pays. Ses oreilles n'étaient plus offensées par ces attaques insolentes contre les hommes et les idées, qui entraîne toujours avec elle la liberté de tout dire, pré- cédant de si près la liberté de tout faire. Le calme qui enrichissait la France était à ses yeux une garantie de l'avenir. Aussi, lorsque sa voix lassée refusa de le servir dans les luttes du Barreau, il put accepter le poste que son ami, le premier président Gilardin, lui offrait dans la ma- gistrature, sans avoir à déserter un parti, sans jeter un regard en arrière vers une conviction sacrifiée. Humblot fut un vrai magistrat, le magistrat d'hier, le juge grave et austère, isolant au-dessus des passions et des misères de l'homme l'impartialité de ses arrêts, et pensant que, si la justice est une chose sacrée, presque divine, ceux qui la servent sont les ministres d'un culte éternel qui impose la dignité de l'attitude aussi bien que l'intégrité de la conscience. S'il eût vécu une année de plus, avec quelle tristesse n'eût-ii pas vu l'autel de la Justice profané comme tant d'autres, et ses anciens amis chassés de leur siège pour avoir cru que leur robe de magistrat ne devait pas traîner dans la poussière politique. D'autres, mieux que moi, pourraient dire de quel poids pesait son opinion dans la chambre du Conseil et avec quelle déférence ses collègues recueillaient ses avis motivés avec une ampleur et une richesse de forme vraiment inac- coutumées. C'est que le vieil orateur était encore tour- menté par cette obsession de la parole qui doit se taire, de l'éloquence qui se force au silence. Un regret lui venait d'être assis sur le siège où l'on écoute, lui qui si longtemps avait été debout à la barre où l'on agit, et il saisissait toutes