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PAUL HUMB 174 LOT couronne ; et ces anecdotes que l'histoire redit tout bas avec un sourire, étaient pour lui d'insupportables scandales. Très pénétré, d'ailleurs, des idées sagement égalitaires, il pensait que la Révolution, déshonorée par ses folies san- glantes, haïssable dans ses serviteurs, fourvoyée dans ses revendications de la liberté, avait du moins, en proclamant l'égalité de tous, réalisé la plus haute idée de la philosophie chrétienne. Il ne pouvait admettre que l'on déchirât le code civil, qui résume l'œuvre utile et sage de 89, et que l'on revînt, comme des fantômes, vers un passé déjà mort. Sa conscience s'agitait dans ces troubles, flottait dans ces incertitudes, lorsqu'un jour il vit surgir l'Empire. Après les tragiques essais de la liberté, le régime impé- rial apportait la discipline nécessaire de l'autorité. Pendant vingt ans le pays avait vu à l'œuvre le gouvernement parle- mentaire. Il avait assisté, curieux d'abord, puis inquiet et bientôt dégoûté, à ces compétitions avides, à ces honteux marchés, à ces complaisanees mercenaires qui livrent au plus offrant une majorité vénale. Il avait contemplé ces mêlées stériles dont l'éloquence même ne pouvait racheter l'inanité, où chaque parti essayait tour à tour d'escalader le pouvoir, sans songer que le temps et une longue sécurité sont les garanties indispensables pour tenter et achever les durables entreprises. Il avait enfin pensé périr dans la tourmente d'une émeute sanglante. La liberté, acclamée dès son aurore, avec l'enthousiasme naïf dont la France salue toujours les grands mots et les beaux rêves, avait bientôt étalé ses menaces et ses dangers. Et lorsqu'elle mourut de ses excès, étouffée sous les folies de ceux qui en abusaient en prétendant la servir, on peut dire que tous les citoyens soucieux de la dignité de la patrie, regardèrent sans regrets sa dernière convulsion.