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UN LIVRE POSTHUME DE J.-J. AMPERE I37 quelques années, la volumineuse correspondance du père et du fils, entre 1805 et 1864. C'est par ces lettres, notam- ment, qu'on a connu en détail la funeste passion de Jean- Jacques pour Mme Récamier, cause pour lui de tant de souffrances, et qui explique ce qu'il y eut parfois d'étrange, de décousu, de capricieux dans son existence, et par suite dans quelques-uns de ses travaux. Mais le précieux dépôt que Mme Cheuvreux avait reçu des mains de son ami mourant nous réservait d'autres trésors. Elle les exhume peu à peu; et, dans son culte pour cette mémoire chérie, elle fait part au public de tout ce qui peut ajouter à l'illustration de l'historien, du lettré et de l'écrivain. Une grande partie de ces matériaux resteront probablement sans emploi ; ce sont des notes souvent informes, écrites au crayon, en plein air, au coin d'une rue, presque illisibles, qui avaient peut-être un grand prix pour J.-J. Ampère, car chacune d'elles représentait un fait ou une idée recueillie au jour le jour et destinée à prendre sa place dans de futurs ouvrages, comme ces petites pierres avec lesquelles les mosaïstes de Rome composent leurs vastes tableaux. Mais comment aujourd'hui en retrouver le sens et en fixer la place ? Lui-même, paraît-il, avait quel- quefois peine à s'y reconnaître. Mme Cheuvreux raconte que le soir, pendant que les dames travaillaient à leurs menus ouvrages autour de la table de famille, Jean-Jacques s'asseyait à côté d'elles, et, tout en causant, s'efforçait non sans difficulté de rétablir l'ordre parmi ses petits papiers. C'était, disait-il, sa manière de tricoter ou de broder. Ainsi sont nés, notamment, les six volumes de l'Histoire romaine à Rome. Mais combien il en reste, de ces petits papiers, dont le sens et la valeur ont disparu avec la main qui les avait tracés !