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I3§          UN LIVRE POSTHUME DE J.-J. AMPERE

   Heureusement tout n'est pas perdu. L'aimable éditrice
vient d'offrir aux amis d'Ampère un livre, incomplet sans
doute, mais achevé pourtant dans plusieurs de ses parties,
et qu'il aurait été bien fâcheux de laisser perdre, car il
nous fait mieux connaître cette âme d'élite et ce rare
esprit (2).
    J.-J. Ampère a eu trois passions dans sa vie, l'une bien
orageuse, et qui, après de courtes joies, ne lui donna que
d'amers chagrins : c'est son amour si disproportionné pour
Mme Récamier. Les deux autres, au contraire, firent la joie
et le charme de sa vieillesse : je veux dire son amour pour
Rome (lui-même le qualifie de passion irrésistible), et enfin
l'affection tendre et presque paternelle que lui inspira la fille
de M. et de Mme Cheuvreux ; délicieuse et touchante jeune
femme que cette famille (y compris J.-J. Ampère qui avait
fini par en faire réellement partie) disputait vainement à la
mort.
   Ce sont les émotions de ces trois passions de nature si
diverse, émotions croisées, mêlées, confondues, qui
forment la trame du récit que Mme Cheuvreux vient de
sauver de l'oubli. Il a fallu qu'elle y mît du sien ; car de
nombreuses lacunes séparaient les parties, souvent à peine
ébauchées, du récit romanesque imaginé par l'auteur pour
servir de cadre, un peu artificiel, aux sentiments qui
débordaient de son cœur. Aussi peut-on dire que l'ouvrage
n'existerait pas sans une collaboration intelligente et
dévouée. Du moins le lecteur est suffisamment prévenu.
Tout ce qu'a écrit J.-J. Ampère a été conservé ; le reste,
imprimé en plus petit texte, ne sert que de soudure et de



  (2) Christian ou F Année romaine. Paris, Quamin, 1887.