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98                      PAUL HUMBLOT

dont l'aimable figure s'éclairait toujours d'un fin sourire,
s'avançait dans ce groupe attentif et donnait la réplique.
L'avocat, disait-il, n'est que le porte-parole du client. Il n'a
pas à jeter dans le débat sa conviction personnelle; il n'a
pas à aventurer sa conscience dans le choix périlleux, dans
la distinction difficile d'une bonne ou d'une mauvaise
cause. Il n'a pas à condamner par avance le plaideur, qui
vient lui demander secours. Ce n'est pas un juge, c'est un
écho qui répercute, plus précise et plus claire, la voix qui
l'a frappé. C'est un interprète qui comprend la parole
obscure d'un étranger et la traduit en un langage nouveau.
Et Margerand interrompait la discussion pour aller à une
chambre, puis à une autre, plaider les thèses les plus
contraires avec son inaltérable sourire. Et, cependant, nul
plus que lui n'était désintéressé. Il ne se préoccupait jamais
des honoraires. Il aimait la plaidoirie pour elle-même,
pour l'intime satisfaction que laisse le travail, pour ce
charme irrésistible de la parole, qui fait mélancoliquement
rêver les vieux orateurs condamnés au repos. Et lorsqu'il
se hâtait, la serviette débordant de dossiers, en pouvait
répéter de lui ce que l'on disait de Liouville : « Voilà le
plaisir de plaider qui passe. »
   Plus soucieux de charmer étaient Dattas, aimable, scep-
tique et disert, recouvrant sous une pure élégance de
forme, une grande délicatesse de pensée, et Dubost qui
eut son heure de célébrité retentissante, et connut cette
bonne fortune, d'attacher son nom à quelques causes
célèbres. L'affaire Jobard et l'affaire Joannon, de Saint-Cyr,
furent pour lui l'occasion de triomphes mérités. Ce n'est
pas qu'il consentît à se confier aux trahisons de l'improvi-
sation. Le hasard lui était suspect. Il trouvait insupportable
l'anxiété que laisse l'inconnu. Trois mois à l'avance, il