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UNE ÉVASION A PIERRE-SCIZE 85 de moi; je sors de Picrre-en-Cize ; mon corps doit être noir comme celui d'un nègre des coups que j'ai reçus dans mon combat contre la garde du château. Cette habitation est sans doute à vous; donnez-moi asile jusqu'à la nuit; je suis exténué de fatigue et de besoin; je vous remettrais sur-le- champ l'arme qui vous effraie, si je ne craignais encore d'être surpris sans moyens de défense; et si vous avez l'humanité de me recevoir, faites-moi entrer par quelque issue où je ne sois aperçu par personne de votre maison. » « Ma confiance et mes paroles touchèrent cet excellent homme ; il m'indiqua un passage par son jardin, et je péné- trai chez lui sans être vu de qui que ce fût. M. Bontems m'introduisit dans une pièce du rez-de-chaussée, où se trouvait sa bonne vieille mère. Elle ne parut pas effrayée comme son fils; mais elle se mit à pleurer au récit de mon aventure. On m'apporta des rafraîchissements : j'en avais grand besoin. « Mon hôte, pendant ce temps, avait eu la précaution très naturelle d'envoyer à Lyon et aux environs du château savoir la cause du tocsin; les rapports furent conformes : il n'y avait même qu'une voix sur l'intérêt que l'on prenait à moi, comme ayant failli être victime de ma générosité pour les autres prisonniers. Alors M. Bontems, parfaitement rassuré, me fit toutes les offres possibles de service; il vou- lait me cacher chez lui : je n'acceptai pas ce dernier acte de bonté; je le priai seulement de me donner quelques vêtements et un chapeau, de me procurer un cheval et un guide, pour que je pusse partir cette nuit même par la vieille route de Lyon, qui n'était pas fréquentée, et par laquelle je n'avais que trente lieues à faire pour retrouver la maison de mon père. M. Bontems me procura ce que je demandais, ainsi que tout l'argent nécessaire, et je vous