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H PAUL HUMBLOT * * La vie d'un avocat n'a pas d'histoire. Les veillées sous la lampe, dans le cabinet de travail, les émotions de la parole aux heures d'audience, l'activité constante de l'esprit qui ne laisse pas savourer en repos la victoire gagnée et fait aussitôt songer au nouveau combat qui s'apprête, la satis- faction intime d'avoir accompli un devoir, en aidant au triomphe d'une cause juste et vraie, les causeries de la salle des Pas-Perdus, joyeux délassement des affaires, les inquiètes impatiences des débuts, les découragements rapides et les renaissantes espérances, le succès enfin ouvrant les rangs du conseil de l'Ordre, et vous élevant au rang suprême du bâtonnat, — et mêlée à toutes les heures de la lutte, consolant les tristesses, aidant les expansions du bonheur, la confraternité, cette belle chose qui ne sera jamais un vain mot, tout cela ne se raconte pas et cepen- dant peut suffire à remplir une existence honorable, utile et quelquefois illustre. Il serait plus inutile encore de rechercher dans quelques journaux dispersés ou dans la poussière des recueils juri- diques la liste incomplète des causes fameuses, maintenant oubliées. L'attention la plus bienveillante se lasserait bien vite à cette nomenclature décolorée. Toute la vie d'un avocat tient dans son talent. Il faut le surprendre et le peindre debout à la barre, en possession tout à la fois de son expérience et de sa jeunesse, maître de sa parole obéissante, le geste à l'aise dans les plis de sa robe, défendant une noble cause qui le soutient et l'entraîne dans les hasards de l'improvisation.