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  132                 LE LAC DE PALADRU

    effroi le morceau que nous avons à gravir. Il fait une
   chaleur à cuire des œufs d'autruche, les plus durs de tous
   les Å“ufs.
      Après y avoir réfléchi, nous nous lançons; le cheval se
  cramponne et fait des efforts inouïs. Quel chemin du
  paradis, mon cher directeur, quelle poussière! quel soleil
  sénégalien! quelle atroce réverbération des cailloux rou-
  lés ! quels cahots à briser les reins ! Comme il faut avoir
  l'espoir d'une bonne réception et la pensée de curiosités
  archéologiques de premier ordre pour surmonter de
 pareils obstacles. Le cheval ruisselle et nous aussi; enfin
 nous arrivons... horreur!
      Le couvent, ou du moins l'aile qui en reste, ressemble
 à une caserne de 1800, la plus déplorable des époques
 architecturales ; c'est moins qu'une caserne, c'est une
 maison de faubourg ; sans cachet, sans grandeur ,
 sans dignité. Une moitié est occupée par un garde
 forestier ; l'autre moitié est louée par des chasseurs de
 Voiron et de Grenoble. Les séchoirs d'une tuilerie
 entourent la cour ; le cloître, si vanté, se compose d'un
corridor voûté et coudé de trente pas de long, de l'aspect
le plus vulgaire ; la chapelle est une chambre ; l'escalier
est semblable à celui de nos maisons les plus bourgeoises,
avec une petite rampe en fer, moderne et triviale ; çà et
là quelques chicots de vieux murs tombés en amadou.
Rien, mais rien que l'enthousiasme le plus robuste, la
bonne volonté la plus vigoureuse puissent dessiner ou
admirer.
    Tout à coup, je me raccroche à un cheveu.
    — Et le bon docteur? m'écriai-je !
   — Quel docteur?
   — Le docteur de Lyon,
   — Il n'y en a pas ici.