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846 LES PATRONS DU SIRIUS.
qu'une trentaine de mille francs (Ã peine ce que gagnent
en un mois MUes T*** et S***) et disparut un beau malin, au
grand étonnement de son entourage. Ce départ eut des con-
séquences réjouissantes: un baronnet anglais se coupa la gorge
avec un rasoir ; un prince indien s'ouvrit le ventre avec un
criss malais enrichi de diamants ; un négociant de New-York
se brûla la cervelle; un gros vidame mangea tant de choûcrbû-
te et but tant de bière qu'il en mourut.
Je n'essaierai point de décrire l'entrevue du père et de la
fille. Ceile-ci était loin de s'attendre à un pareil dénùmenL
Elle pourvut à tout avec une prodigalité qui intrigua le vieil-
lard. Tu esdonc bien riche? lui dit-il. Marguerite lui raconta
que la dame anglaise l'avait forcée d'accepter une trenlaine
de mille francs. Lambert fut attristé.,. Bah, répliqua-l-elle,
quand on a un million de revenus !
Peu à peu le bonhomme s'habitua à celte idée. Les forces et
lagaîlèlui revinrent ; c-n fil des châteaux en Espagne. 1500 fr.
derenles !... c'était une fortune. QueGaudriolen'étail-il la!...
Marguerite souffrait en secret cl se sentait, défaillira chaque
allusion sur sa vie passée. Le bonhomme se monirait curieux
et questionneur. Il fallait échafauder mensonges sur menson-
ges. La malheureuse, qui avait le cœur franc et l'âme droite,
était au supplice.
Un jour, maître Lambert rencontra dans Lyon là lingère
chez qui Marguerite avait fait son apprentissage.
— Eh bien , dit-elle , voilà donc notre enfant prodigue
revenue ?
— Prodigue! dit le vieillard, eh! pas trop!.... elle n'est
point rentrée les mains vides.
— Je le crois ! Et combien rapporte-elle, si je ne mis pas
Irop curieuse.
— 30,000 francs.