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LES PATRONS DU S1RIUS. 543
quarante-cinq ans en traitant les petites affaires d'autrui.
Les exemples et surtout les conversations de l'atelier achevè-
rent l'œuvre des mauvais romans. Marguerite fut perdue.
Maître Lambert vivottait. Il gagnait de 2 à 3 francs par
jour à arrimer des colis sur les sept ou huit bateaux qui na-
viguaient encore. Le reste du temps il cullivait l'enclos. Les
plantes utiles avaient remplacé lesfleurssemées par Margue-
rite. Elle-même avait arraché rosiers, chrysanlèmes et dal-
hias. Son père aurait cru commettre un sacrilège en y portant
la main.
Un soir, Maguerite ne rentra pas à l'heure accoutumée.
Disons-le tout de suite. Je ne sais quel habitué du boulevard
de Gand, égaré à Lyon, qui recherchait les belles maîtresses
comme on recherche un beau cheval, de beaux chiens, de
belles armes, l'avait remarquée, estimée et... achetée à la
vénérable matrone. Inutile d'ajouter que la pauvre enfant
avait pris au sérieux les déclarations de ce monsieur.
Un écrivain d'infiniment d'esprit—lisez: Edmond About —
donne à entendre qu'une Lyonnaise transplantée à Paris
y paraît mal fagotlée, mal coiffée et ressemble à une poupée
traînée dans le ruisseau. Il esl vrai qu'il affuble d'un chapeau
pointu, d'un habit vert à boutons de métal et d'un pantalon
à la cosaque certain jeune homme jouissant de 120,000 fr.
de rentes. N'en déplaise h l'auteur de La Vieille Hoche, je ne
crois pas Lyon si loin de Paris 1
Une chose certaine, c'est que Marguerite eut du succès dès
son entrée dans le demi-monde. Nous ne la suivrons pas là . A
force de voir que l'on s'occupe d'elles, soil pour les louer,
soil pour les critiquer, les petites dames en sont arrivées à se
croire quelque chose dans la société.
Véritablement, quand je songe à la foule des sols qui les
couvrent d'or etachôlent.... leurs mémoires ; quand je songe
à la foule des sottes qui copient leurs toilettes extravagantes,