page suivante »
I()2 MOSAÃQUES D'UN HÊVEUR. Aussi, la tolérance est-elle chez eux très-étendue; ils n'aiment à condamner ni les faits ni les personnes, ce qui les fait passer ordinairement pour sceptiques et indif- férents; c'est une erreur. Il y a trop de transcendance dans leur jugement pour qu'ils n'aient pas des opinions faites et arrêtées sur toutes les matières essentielles ; mais ils respectent, admettent, comprennent et mettent en oeuvre, avec un éclectisme souverain, toutes les opi- nions humaines. On ne saurait nier cependant que l'égoïsme et la froideur ^'accompagnent souvent leur tolérance uni- verselle. Les hautes régions où ils se meuvent les éloi- gnent trop de l'humanité pour laquelle ils professent, cela se comprend, le mépris qu'elle inspire à tous ceux qui l'ont fouillée de près. Ils ne se sentent pas assez soli- daires d'elle, et veulent trop vivre en dehors de ses misères et de ses faiblesses. Us sacrifieront comme Goethe, toutes les affections, tous les amours, à une idée, à une conception. En cela, ils procèdent comme la nature, qui, silencieuse et féroce égoiste qu'elle est aussi, dissout et détruit tour à tour toute chose, pour recréer et reconstruire ensuite. Selon nous, cette tolérance olympienne des grands esprits est un des caractères distinctifs du génie, un de ceux -qui le séparent du simple talent. Le talent, qui est plus spécialiste et bien moins synthétique que le génie, embrasse et perçoit beaucoup moins que lui, partant, il est plus étroit et plus exclusif. C'est dans les gens de talent que vous rencontrez les hommes passionnés, systématiques, haineux et militants, voués à des. opi-