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LES PATRONS DU SIÃUUS. 547
— 30,000 francs ! Pauvre homme ! mais c'est 100, 200
mille francs qu'elle aurait dû s'épargner, la petite sotte ! au
métier qu'elle pratiquait.
— Et quel métier, s'il vous plaît? dit Lambert.
•— Allons, bon, faites donc l'innocent... Est-ce que vous
auriez aussi donné dans le conte de la dame anglaise ?
Et la méchante créature dévoila tout au long la triste vérité,
en cachant, bien entendu, la part qu'elle-même avait prise Ã
l'affaire.
À la fin de ce récit, écoulé avec un calme apparent, les
traits du vieux pilote se contractèrent avec une expression si
terrible, que la lingè're s'enfuit, effrayée de son ouvrage.
De fait, Lambert avait un instant pensé à l'étrangler.
11 restait là , altéré. Il n'aurait pas voulu croire. Je ne sais
quelle voix intérieure lui criai'- : c'est vrai ! c'est vrai !
Marguerite était absente lorsqu'il rentra à la maisonnette.
Lambert fit sauter d'un coup de pied le couvercle de sa malle.
Quelques lettres égarées parmi les chiffons, dans la précipita-
lion du départ, lui prouvèrent surabondamment à quel point
on l'avait trompé. Il s'assit au coin du fou, la tôle sur les ge-
noux. Les pressentiments indécis qui l'avaient assiégé se re-
présentèrent en foule, avec des lignes arrêtées celte fois, et
de vives images. Il regrella d'avoir refoulé le soupçon, comme
un dévot refoule le doute.
Et la voix qui lui criait: c'est vrai! ajoutait maintenant:
Je te l'avais bien dit !..
Marguerite revînt avec, des provisions pour le souper; le
repas fut silencieux, mais la contenance du vieillard ne trahit
aucune émotion.
— Fille, dit tout à coup maître Lambert ; — tu ne m'as
jamais montré ton argent. Fais donc voir, je te prie.
Marguerite prit dans l'armoire une petite liasse de billets
de banque.