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LES PATRONS BU SIRIOS. 337
d'Arles, olives de Tarascon, nougat de Montèlimart, figues
d'Avignon, poupées, pantins, boîtes à surprises, jouets de
fille et jouets de garçon le bonhomme n'y regardait pas
de si près.,, et la petite non plus Elle tendait son tablier.
L'aïeule souriait et disait : C'est trop. Une bouteille de
vieux cornas complétait la fête; et Camuseau, en chien bien
élevé, témoignait par des jappements discrets qu'il prenait
part à la joie universelle.
Le bonheur semblait s'être oublié dans ce petit coin de
terre à l'ombre des grands arbres, au bruit lointain du fleuve.
Lorsque Marguerite eut dix ans, on la mil en pension chez
les Dames d'Oullins. « J'ai fait mes classes, disait Jacques
« Castor Gaudriole (il avait servi la messe et écorché le latin
« du missel). J'ai fait mes classes ! il ne faut pas que la fillette
« reste une âne toute sa vie » Ce fut une grande douleur.
L'enfant pleura et finit par se consoler. L'aïeule pleura et
ne se consola jamais. Pendant cinq ans qu'elle vécut encore,
elle eut dix mois de bons: le temps des vacances. Elle s'étei-
gnit un soir, la veille de la rentrée. Marguerite ne retourna
pas au couvent. Il fallait quelqu'un pour soigner la baraque.
D'ailleurs Jacques Castor Gaudriole—qui avait fait ses clas-
ses— affirmait que sa filleule était un puits de science.
Marguerite offrait alors tous les signes d'une beauté nais-
sante. Ce serait le cas de consacrer un alinéa à chacun de
ses traits, soit en phrases suivies h l'imitation de Balzac, soit
en lignes coupées à la manière
— De monsieur Timolhée !...
— Trimm!!
Essayons. Une chevelure noire, luxuriante et naturellement
ondée, des sourcils fièrement arqués, des yeux d'un bleu som-
bre, un nez.. Comment donc était son nez? J'en ai oublié
la forme, — C'eût été bien important pour mon récit. Veuil-
lez admettre, pour le moment, qu'il était comme celui de