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LES PATRONS DU SIRIUS. 845 lui en faisait un objet de répulsion. Il le prit du bout des doigts, comme si le papier brûlait, et le jeta au fond de la petite armoire. Depuis lors, il reçut, chaque trimestre, une lettre et un billet pareil. Au milieu des élourdissements d'une existence échevelée, Marguerite avait du moins conservé la virginité d'un sentiment : l'amour filial. Lambert ne toucha jamais à cet argent... et pourtant il était bien misérable. Le chagrin avait mordu sur cette orga- nisation de fer, qui eût résisté vingt ans encore à toutes les fatigues physiques. Son dos se voûtait ; ses cheveux étaient tout blancs ; il perdait le goût du travail. Il allait sur les bas-ports, gagnait lout juste de quoi acheler le p-ain de. la journée, et courait comme un fou s'enfermer à la maisonnette. Une fois lu, il contemplait, touchait, baisait tout ce qui avait fait partie du petit mobilier de Marguerite, el finissait par pleurer si- lencieusement, la tôle entre les mains, appuyé sur la couchette froide de sa fille. Camuseau, tout perclus, gémissait Iristement aux pieds de son maître. Pour comble de désastres, le Rhône déborda et remplit le petit enclos de sable et de gravier. En répondant à sa fille, le pauvre homme n'avait jamais parlé de ses angoisses. Puisqu'elle a une belle position, il faut qu'elle laconserve.se disait-il, et rien ne servirait de l'inquiéter. A la fin, il n'y tint plus, et lui adressa un appel suprême...—Reviens, s'écriail- il, reviens, parce que je meurs ! Les loreltes du jour parlentfinances,jouent à la Bourse, ont de l'ordre et font souvent une honnête fortune. On n'était pas encore si positif en ce temps-là . Marguerite ne réalisa 35 ¥ •fr**"