page suivante »
LES PATBONS DU SIRIUS. 539 . Cependant les beaux jours de la navigation fluviale lou- chaient à leur déclin. Le projet d'une voie ferrée de Lyon à Marseille était adopté. Quand nos pilotes en eurent vent, ils furent pris d'un rire olympien. .— Dis donc ! vieux, un chemin de fer le long du Khône !. . •— Un sentier le long de la grande route !... — Une brouette pour suivre la poste !... — Un train de bois pour suivre le Sirius !... — Ils sont fous. — Ils sont tous fous !,... — Aïe donc ! laisse-les faire, ça fait gagner les tireurs de plans • On commença les travaux. Gaudriole riait de plus belle el ne manquait jamais de'héler les ouvriers quand le Sirius pas- sait à portée des chantiers : « Ohé ! les remueurs de terre!.. « ohé, les boueursl... ça marchera-t-y bientôt, votre car- « riole à piston ? Faudra bien la prendre à la remorque si on « veut que ça bouge!... » Malgré mon penchant pour le réalisme, je borne là mes citations. La Revue du Lyonnais n'eût pas admis Rabelais pour collaborateur. On plaça les rails ; on bâtit les gares. Gaudriole trouvait de nouveaux lazzis; maître Lambert réfléchissait. Mais quand un train de quarante wagons , chargés à pleins bords, passa comme une flèche et doubla le Sirius, qui filait pourtant à toute vapeur, il devint évident que la lutte était impossible. Lambert baissa la télé. Gaudriole jura : fouchlra ! Deux ans plus tard, le Sirius, amarré pour jamais parmi les cadavres flottants de vingt autres bateaux, se démembrait pièce a pièce, sous la double influence des intempéries et de l'abandon. Avant d'être patrons du Sirius, nos deux amis avaient'con- duit des radeaux et des barques de halage; Le fleuve était leur élément. La perte de leur emploi les abattit. J'ai lu qu'un