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PROMENADE. 341 ne si urait, sans être injuste, nier l'immense essor que leur avait donné le mouvement de 1830, essor qui s'est ralenti sans s'arrêter. Mais tandis que tous les arts suivaient une progression ascendante, l'esthétique du vêtement subissait une évolution rétrograde. Il est incontestable que tous les siècles qui nous ont précédés ont été beaucoup mieux inspirés que nous sur ce point. Le moyen-âge lui-même, du sein de la nuit qui l'en- veloppait, a su dégager une silhouette tranchée par la variété de ses costumes; il a poussé aux dernières limites l'art de se vêtir. Les cathédrales et les costumes, voilà , dans le domaine du beau, les grandes créations du moyen-âge. L'homme du dix-neuvième siècle n'est plus ainsi. Il aime à concentrer la poésie dans les choses qui l'entourent, dans ses édifices, ses jardins, ses places publiques, ses ameuble- ments, ses théâtres ; mais il la bannit de sa propre personne. Il consent à servir de repoussoir aux splendeurs dont il s'en- vironne. L'absence de grâce dans la coupe, la sobriété dans les couleurs, la modestie dans les étoffes, voilà , pour l'homme du monde, les caractères distinctifs du goût moderne en ma- tière de costume. Il est une vérité bien connue des artistes : c'est que, tant que se prolongera le règne du pantalon et du chapeau dit tuyau de poêle, il n'y a pas, pour l'habillement, d'esthétique possible. Mais, si les vêtements de l'homme du monde sont étriqués, sans grâce et sans relief, ils sont du moins propres et dé- cents; ils offrent dans leur ensemble une sorte de symétrie rectiligne qui ne choque pas trop vivement les délicatesses des yeux. Ce décorum sans saveur s'efface et disparait quand on passe aux ouvriers et aux paysans. On touche alors au grotesque et au trivial. Que voit-on, en effet? La culotte et la guêtre longue d'autrefois remplacées par