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23ti LES DONS (('AUTEURS. faveur. —Mais puisque j'en trouve ici l'occasion, qu'on me permette de suivre l'impulsion de mon cœur en payant la dette sacrée de sa gratitude; —je reviendrai dans quel - ques lignes à l'anecdote que j'allais citer. La respectable parente chez quij'avais subi l'outrage du manche de gigot, en 1829, voulut sans doute m'en dédommager en 1832: elle souscrivit, en se cotisant pour cela, avec huit de ses amies, à l'abonnement de ma petite feuille périodique, qui coûtait neuf francs ; et, bien que la somme de vingt sous par an ne fût pas un sacrifice bien ruineux pour ma riche parente, ce fragment d'abonné et d'intérêt que j'arrachais à ma famille me combla de joie. Ce fut une des conquêtes littéraires à laquelle je fus le plus sensible, et j'aime à en consacrer le souvenir tout à fait émouvant. — Maintenant je retourne à mon récit. Ne comptant guère sur l'abonnement à ma feuille de l'un de mes anciens professeurs, dont les leçons avaient eu pour résultat de m'enseigner la littérature, et nullement de m'en inculquer le goût, qu'il n'avait pas lui-même, j'envoyai gratis au digne homme les premiers numéros du Fan- tasque. Puis, comme j'allais un jour lui faire une visite à la campagne, je trouvai ses trois jolis enfants qui, profitant d'une bise assez ordinaire dans nos climats, avaient lancé dans les airs leur cerf-volant. Ami des jeux de l'enfance je m'approchai de la bande rieuse, qui suspendit sa course à mon abord, et le cerf-volant, n'étant plus tiré par elle, des- cendit en pirouettant;- lorsqu'il fut tombé à mes pieds, je reconnus bien vite qu'il était confectionné, en grande partie, avec mon journal! —Mais je dois dire en ce cas, pour le sou- lagement de mon amour-propre, que le Fantasque volait dans les airs côte à côte d'un recueil de sermons de l'un de nos meilleurs prédicateurs, et de compte à tiers avec un Traité des arbitrages, de M. Perret. Evidemment, les pe- tits bambins avaient opéré une razzia générale dans les dons d'auteur de Monsieur leur père : je participais au peu de soucis qu'il en prenait; j'étais victime de cet injurieux